Présentation et analyse de deux ouvrages qui se rapprochent par leur pessimisme : L’ensauvagement, le retour de la barbarie au XXIe siècle de Thérèse Delpech ; Le grand dérangement de Georges Balandier.
Parmi les livres - Sauvageries
Réunir les deux livres (1) que l’on présente ici est osé : l’un des auteurs est stratégiste, l’autre anthropologue. Leur pessimisme les rapproche. Voir les choses en noir peut être roboratif, ce que Thérèse Delpech revendique : « Les pessimistes ont fait davantage pour la paix du monde que les promoteurs de l’avenir radieux ».
L’ENSAUVAGEMENT
À vrai dire, il y a deux Thérèse Delpech, comme il y a deux livres dans son Ensauvagement. La première est philosophe, agrégée de la discipline et normalienne ; la seconde experte en sciences politiques et en stratégie, longtemps en poste au CEA et actuellement membre de l’Institut international d’études stratégiques (IIES) de Londres.
La philosophe, d’abord, nous brosse un admirable tableau de notre ensauvagement premier, puis de notre atonie actuelle. Avec un courage trop rare, elle situe le départ de l’ensauvagement (entendez la frénésie guerrière puis totalitaire) à la Révolution française. Pareillement courageuse, ou davantage, elle en voit la cause profonde dans la mort de Dieu, superbement mise en scène par Nietzsche. Elle n’ira pas, l’audace a ses limites, jusqu’à prôner un retour au religieux ; mais elle décrit, en un style vigoureux, le « vide béant » qui s’ouvre devant une société sans repères, le chaos des idées et des mœurs « pire que celui des événements », la « famine spirituelle ». Les hommes d’Occident « ne savent plus distinguer le juste de l’injuste, le beau du laid, ou le bien du mal ». La politique se meurt, réduite à l’économie et au social. De notre décrépitude, la confrontation de l’islam et de l’Occident est un bon révélateur : « Vous qui aimez la vie, disent les terroristes, sachez que nous ne craignons pas la mort ».
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