Revue des revues
• Europaïsche Sicherheit, n° 2/2006 : « Bilan d’étape de la transformation ».
W. Schneiderhan, Generalinspekteur der Bundeswehr (Cema) dresse un bilan d’étape de la transformation de celle-ci. La nouvelle coalition a confirmé les décisions prises par la précédente. Lui-même dirige son action en fonction de six facteurs :
– la mission donnée aux forces armées est, de plus en plus, d’intervenir pour prévenir un conflit ou gérer une crise « y compris par le combat contre le terrorisme international » ;
– les menaces sur la sécurité sont à contrer dès leur naissance et où que ce soit ;
– toute opération se déroule dans un cadre multinational, en coopération avec des forces de l’Otan, l’UE, ou des Nations unies (interopérabilité indispensable) ;
– penser et agir « interarmées » pour maximiser les capacités de « l’ensemble Bundeswehr » ;
– exploiter les technologies émergentes, au profit notamment d’opérations réseaux-centrées ;
– vu la modicité des ressources, rechercher pour l’investissement et le fonctionnement des procédures innovantes, associant l’industrie et la recherche allemandes, mais aussi internationales.
Tous les projets de transformation doivent converger vers une amélioration des capacités opérationnelles. Initialement axé sur les structures, l’effort est à élargir maintenant à tous les domaines d’action selon le principe : « centraliser le pilotage ; décentraliser l’exécution ». De plus en plus concrets, les thèmes choisis, les responsabilités et les rendez-vous sur objectifs partiels sont à relier entre eux pour arriver dès que possible au point où la transformation, sa forme générale et sa systématique aboutiront à des progrès visibles.
Des résultats pratiques importants ont déjà été obtenus en peu de temps.
Remplaçant le « Blankeneser Erlass », vieux de plus de trente ans, qui fixait les attributions du Generalinspekteur, le nouveau « Décret de Berlin » les élargit aux exigences de la situation actuelle : précédemment responsable seulement du concept général d’Opex, il lui appartient maintenant aussi de les organiser, de la planification à la remise en condition : à lui de suivre leur déroulement et d’adapter au besoin sa planification pour obtenir un maximum d’efficacité. Il est donc le pilote de toute la transformation, dans un esprit interarmées nouveau.
La Nato Response Force (NRF) est un catalyseur de la transformation et ses exigences vont tout à fait dans le sens voulu par les « lignes directrices » de P. Struck : les 5 000 soldats germano-hollandais de la NRF-4 (2005), une intense multinationalité, ont satisfait à tous les contrôles imposés. L’exercice Noble Javelin-05 a montré que l’Allemagne ne pouvait déployer au loin son contingent sans recourir à des prestations civiles de transport aérien et maritime jusqu’à l’arrivée des A400M ; d’où la mise sur pied d’Elis (solution temporaire d’aérotransport stratégique qui utilise des gros-porteurs étrangers pré-loués). Un échange de capacités a été joué : lorsqu’un élément allié ne possède pas certains moyens (santé, logistique, appui au commandement…), un autre prend la fonction à son compte. Les leçons ont été tirées, par exemple sur les plans d’équipement ou sur le montage des exercices interarmées.
Le Generalinspekteur pilote l’ensemble du « système instruction Bundeswehr » ; il procède par directives prévoyant des séries de modules, suivis d’applications et de contrôles. Chaque catégorie de forces est orientée vers la maîtrise de ses tâches probables ; chaque contingent désigné pour une Opex reçoit un complément d’instruction adapté à son théâtre d’emploi, mais il faut aussi que chaque soldat en opérations soit, quelle que soit sa fonction, prêt à combattre dans des situations incertaines ou inattendues.
Il établit le calendrier triennal d’exercices interarmées nationaux mettant l’accent sur la coopération multinationale.
L’importance du « Commandement opératif de la conduite des forces d’intervention » et du « Centre pour la transformation », directement subordonnés au Generalinspekteur a été signalée. Créé en automne 2005, le premier terminera sa montée en puissance fin 2006. Avec lui, l’Allemagne disposera enfin de l’élément interarmées de conduite, projetable, qui correspond à l’étendue de ses responsabilités internationales. Capable de diriger des opérations réseaux-centrées, interarmées et multinationales, il est actuellement chargé de la préparation et de la conduite des groupements tactiques (Battle Groups) destinés à l’UE. Son expérience des problèmes opératifs profitera directement à la transformation.
Le second succède au « Centre d’analyse et d’études ». Il rejoindra Berlin-Strausberg et sera chargé d’une triple mission : de soutien du processus central de transformation ; des Opex (planification, préparation, déroulement, remise en condition), des exercices et des expérimentations ; de la planification stratégique de la Bundeswehr.
Les programmes d’équipements conservés ont chacun pour but d’améliorer une au moins des grandes fonctions opérationnelles (commandement-renseignement, mobilité, protection-survie, etc.) ; mais il a été possible de dégager 1,2 milliard d’euros pour des commandes de matériels lancées en urgence au profit d’Opex en cours.
La transformation fait toute sa place, la première, à l’homme car, de sa motivation et de son ardeur dépend le succès de tout le processus. L’armée allemande dispose à cet effet d’une palette de moyens efficaces ; seuls quelques accents sont à pondérer autrement : le vieux slogan de la guerre froide « savoir combattre pour ne pas y être obligé » a perdu toute actualité dans une armée en opérations.
« Le but supérieur de la transformation est de renforcer les capacités opérationnelles de la Bundeswehr dont les tâches, les capacités et l’équipement sont à synchroniser dans un projet commun inter-armées qui doit constamment être développé et adapté. Un cadre financier convenable, et surtout fiable, constitue le socle indispensable au succès de tous les efforts. Avec cette orientation nouvelle de la Bundeswehr sur son emploi en opérations et en se concentrant sur les tâches vraisemblables, on a déjà bien progressé dans la transformation, et nous nous maintenons à la hauteur de l’évolution de nos partenaires de l’Otan et de l’UE. Prenons conscience que seules nos capacités d’action maintiendront durablement notre droit de participer aux décisions, à l’articulation et, plus encore, à la solidarité de l’Alliance. Il s’agit désormais, à partir d’une définition politique claire des tâches, de poursuivre sur la voie entamée dans un esprit encore plus tourné vers l’emploi opérationnel ».
« Défi intellectuel et professionnel, la transformation a aussi une dimension émotionnelle. Le projet ne sera compris et soutenu que s’il est appuyé par une communication ciblée, dirigée tant vers l’extérieur qu’en interne. Celle-ci déterminera la mesure du succès et de l’adhésion rencontrés par le chemin commencé. Pour nous tous, ce qui est décisif, c’est de ne pas subir comme un mal nécessaire la transformation de la Bundeswehr et ses conséquences, mais de voir en elle une chance à saisir en l’accompagnant activement ». ♦