L’indépendance des cinq républiques d’Asie centrale (le Kazakhstan, la République du Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan) marque un tournant dans la gestion de l’eau du bassin de l’Amou-Daria et du Syr-Daria. L’eau en Asie centrale a toujours été un enjeu majeur pour les pouvoirs politiques, mais le contexte géopolitique actuel, entre revendications nationales et interdépendance régionale hérité du système soviétique, place l’eau au premier plan des enjeux stratégiques.
Nationalisme et coopération régionale en Asie centrale
Nationalism and cooperation in Central Asia
The independence of the five Central Asian republics (Kazakhstan, the Kyrghyz Republic, Uzbekistan, Tajikistan and Turkmenistan) marks a turning-point in water management in the Amu Darya and Syr Darya basins. In Central Asia, water has always been a major issue for governments but the current geopolitical context, with national claims and regional interdependence inherited from the Soviet system, places water at the forefront of the region’s strategic issues.
L’eau est une ressource essentielle tant pour les activités agricoles, industrielles que domestiques. Ces différents usages font d’elle une priorité nationale pour tous les États du monde mais cette problématique s’illustre de manière particulièrement éloquente en Asie centrale. Cela s’explique par une caractéristique historique majeure : la colonisation russe puis soviétique a privilégié l’agriculture dans une logique de gestion régionale et non en fonction de chaque république. Cette gestion intégrée n’était pas problématique en soi car la politique énergétique suivait le même schéma, permettant ainsi aux États en amont de bénéficier des hydrocarbures (notamment charbon et gaz) des pays en aval sans utiliser leur potentiel hydroélectrique (1). Le problème est donc véritablement apparu en 1991 lors de l’indépendance de chaque république et l’effondrement de ce système.
Dans chacun des cinq États centrasiatiques, l’eau est maintenant considérée comme un enjeu de sécurité nationale. À la différence des conflits liés à l’eau au Moyen-Orient, le problème ne vient pas d’une situation de stress hydrique mais plutôt d’une remise en cause du partage de l’eau tel qu’effectué sous le régime soviétique. Le cas de l’Asie centrale est intéressant car bien que le partage de l’eau soit un réel problème, les différents États centrasiatiques se sont accordés depuis leur indépendance sur la mise en place de plusieurs institutions régionales. L’analyse peut donc amener à des observations contradictoires, l’eau pouvant être considérée soit comme source de conflit transnational, soit comme facteur de coopération régionale. C’est selon cette apparente dichotomie que l’auteur souhaite aborder cette problématique de l’eau en Asie centrale.
Cet article s’articule en trois parties. La première partie va présenter très brièvement la situation hydrographique de la région. Dans une deuxième partie, nous allons voir quels sont les différents types de conflit dans cette région. Puis, nous allons étudier dans une troisième partie les différents accords de coopération entre les cinq républiques. En conclusion, nous allons essayer de mettre en évidence les causes de cette ambiguïté « coopération-conflit » dans la gestion de l’eau en Asie centrale.
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