Le camp allemand dans la fièvre des alertes (1939-1940)
Du début d’octobre 1939 au 10 mai 1940, le front occidental allemand a vécu dans un état permanent d’alerte. Les documents allemands de la guerre le prouvent, les généraux de Hitler le confirment, notamment Halder dans son « journal », Jodl dans ses notes (1). La nébuleuse où le tumulte des décisions désordonnées du Führer s’est dissimulé pendant huit mois s’évanouit, emportant d’allègres légendes. Citons, parmi les préliminaires de l’offensive du 10 mai, l’« alerte » de janvier 1940, dont on a tenté de faire un événement imprévu et redoutable, subite révélation d’une attaque préparée pour cette date depuis de longs mois. Version courante : deux officiers aviateurs allemands, porteurs d’un plan d’attaque du front occidental, atterrissent accidentellement en Belgique. Les Belges et les alliés apprennent ainsi qu’une offensive est imminente, cependant que le Führer, dépité, s’arrête au seuil du Rubicon.
Nous savons maintenant qu’à cette version, parée de vraisemblance et avide de crédit, on a donné une conclusion inexacte. Depuis le 7 octobre 1939, l’attaque allemande eût pu être lancée onze fois, en exécution de onze décisions dont l’échec fut imputé par Hitler à l’inclémence du ciel. À peine l’aventure des deux officiers allemands servit-elle de prétexte à l’ajournement de l’offensive ordonnée le 10 pour le 17 janvier. Elle motiva surtout une violente mercuriale administrée le 20 janvier par le Führer à ses généraux pantois (2). Parcourons donc ce chapitre des décisions de Hitler et essayons de dégager ce que furent, en réalité, les pensées du Haut Commandement et les réactions des sous-ordres au cours de cette période.
Préludes
Le 17 septembre 1939, les troupes polonaises, battues et dispersées, erraient dans les zones méridionales du territoire national. À l’Est, les forces russes franchissaient la frontière polonaise. Le maréchal Smigly Rydz, arrivant à Czernowitz le 18 en compagnie de Beck, déclarait terminée la campagne de Pologne. À Memel, les premiers cléments de l’armée allemande devenus disponibles s’embarquaient à destination du front occidental (3).
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