Revue des revues
• Europaïsche Sicherheit, n° 11/2006 : « Le nouveau Livre blanc, socle pour des changements ? ».
H. Bartels pose la question. Sans être génial, ce « Livre blanc sur la politique de sécurité de l’Allemagne et l’avenir de la Bundeswehr », dû à la grande coalition, arrive à point : depuis celui de 1994, le cadre politique des interventions extérieures et leurs conditions d’exécution ont changé. Les prédécesseurs « rouge/vert » avaient lancé les premières Opex « musclées » sans parvenir à s’entendre sur son contenu.
Peu importe au fond que, fortuite ou non, la publication de macabres photos d’Afghanistan (1) coïncide avec l’approbation du nouveau Livre blanc par le gouvernement fédéral. Ce qui est positif, c’est la réaction unanime d’horreur de tous les partis politiques ; le commandement a aussitôt lancé des poursuites judiciaires et identifié les coupables qui seront en outre chassés de l’armée. Responsables politiques et militaires feraient bien également de prendre contact avec leurs homologues afghans pour manifester leur indignation et leurs regrets.
Quel que soit le soin apporté à l’instruction « pré-intervention », elle n’empêchera pas d’autres incidents analogues si les chefs sur place contrôlent insuffisamment l’exécution du service ; d’où toute l’attention à apporter au choix des cadres destinés à commander des missions à l’extérieur. À ce propos, le Livre blanc rappelle « le principe supérieur de l’Innere Führung toujours, à respecter, spécialement en Opex ».
Le Livre blanc pourrait être plus précis à propos des intérêts nationaux allemands. Du moins les mentionne-t-il (2), alors que tant de voix prétendaient leur définition impossible.
Ce Livre blanc souligne à juste titre que les forces armées ne sont qu’un des éléments du concept global de sécurité du gouvernement : elles peuvent seulement créer les conditions préalables à des solutions de paix, et les accompagner ensuite. Leur coopération avec les innombrables organisations d’aide, gouvernementales ou non gagnerait à être plus détaillée ; leurs rôles différents peuvent se compléter.
À propos de l’UE et de l’Alliance, ce Livre blanc estime que, pour faire aboutir les intérêts nationaux, les États-Unis et l’Alliance sont actuellement les partenaires décisifs. Le lien germano-américain est à soigner et à approfondir par des consultations mutuelles et une entente sur les modes d’action. L’UE ne vient qu’en second lieu : sa PESD est encore en construction. La répartition des tâches entre l’Alliance et l’UE restera floue tant que les États membres en seront à discuter entre eux de leurs concepts d’avenir ; une marge de manœuvre subsiste donc pour des modifications. Ensuite, la RFA devra définir sa position. Ne peut-on accepter une répartition des tâches confiant à l’Otan « le travail grossier » et réservant à l’UE la construction et la stabilisation de la paix.
Un emploi en Allemagne des forces armées se heurte aux divergences entre la CDU et le SPD. Le Livre blanc se borne à reconnaître que le cadre constitutionnel actuel (3) ne permet pas à la Bundeswehr d’employer toutes ses possibilités pour repousser les dangers qui se manifesteraient sur le sol national. Ce compromis laisse de la marge pour élaborer les solutions futures.
« En dépit de quelques réserves, il est bon que ce Livre, auquel la plupart des ministères ont participé, sorte dès cette année : il officialise la position du gouvernement fédéral et fournit maintes occasions de débattre pour l’améliorer. Espérons qu’on en profitera ! ». ♦
(1) Photos de soldats hilares devant des ossements et des crânes de squelettes… Guidon de l’Afrikakorps sur leur véhicule. Certes, des Américains et des Britanniques ont fait pire encore, en Irak. Les sites sadomasochistes recherchent des images scabreuses venant du terrain par téléphone portable. Vigilance et fermeté des cadres doivent être constantes pour empêcher que des actes déshonorants soient commis, si l’on veut éviter de ne réagir qu’a posteriori.
(2) Liberté du commerce mondial, sécurité des voies maritimes (socle de la prospérité de l’Allemagne). Nécessité de contribuer à prévenir ou maîtriser des crises et conflits régionaux, même lointains, susceptibles d’avoir des répercussions sur la sécurité de l’Allemagne et de l’UE.
(3) Ainsi, la Cour constitutionnelle vient de censurer la loi sur la sécurité aérienne et le président fédéral a refusé de signer une loi sur la privatisation du contrôle aérien (leur refonte ou des modifications de la Constitution seront nécessaires – NdT).