Les compagnons de la Libération. Résister à 20 ans
Les compagnons de la Libération. Résister à 20 ans
Ils seront à jamais mille trente-huit Compagnons de la Libération. Ils sont, aujourd’hui, moins de quatre-vingt, et le plus « jeune » a franchi le cap des 81 ans. En 1940, alors qu’ils avaient entre 18 et 25 ans, ces derniers choisirent, au plus fort de la défaite, de continuer la lutte. Parmi les premiers, ils constituèrent la France Libre et la Résistance.
Henri Weill, historien et journaliste, fin connaisseur des questions militaires nous livre ici, après son ouvrage sur Les valeurs de la résistance, entretiens avec Serge Ravanel (éditions Privat, 2004), une magnifique fresque de ce que furent ces hommes et femmes d’exception, les communes et les unités militaires des trois armées qui participèrent sur terre, en mer et dans les airs à la libération de la France et de son Empire, comme on disait alors.
Ces compagnons, à jamais figé dans notre mémoire collective surent ainsi « rester debout » quand d’autres se résignaient, incarnant ainsi la grandeur de la France face à l’ennemi.
L’effondrement de 1940 est un immense événement, toujours aussi difficile à saisir dans sa totalité et dont on ne souligne jamais assez à quels points, avec des effets et ravages divers, il a pu humilier les Français. Ces hommes ou ces femmes qui se sont engagés, relativement tôt, dans les Forces françaises libres à Londres ou dans la Résistance, à l’intérieur du pays, ont, immédiatement ou très vite, ressenti des douleurs particulières qui ont conditionné leur engagement.
Dans cet ouvrage, où apparaissent plusieurs visages du général de Gaulle, vingt-cinq d’entre eux expliquent, avec simplicité et sensibilité, les raisons de leur engagement. Le combat des Compagnons de la Libération, pour une France libre, indépendante, éthique, solidaire, reste terriblement d’actualité.
Ils avaient donc entre 18 et 25 ans en 1940… les premiers à avoir constitué, après l’immense défaite, la France Libre. Eux n’ont pas estimé définitives les conclusions militaires et politiques. Des rangs du public, ils montaient sur la scène… En quelques minutes, quelques heures, quelques jours, ils ont commencé à amorcer un balancement.
Inorganisés, il leur fallait gagner l’Angleterre. Les témoignages qui suivent racontent leurs idéaux, leur naïveté peut-être, leur courage… Ce serait une belle histoire s’ils s’en étaient tous sortis. S’ils étaient revenus sains et saufs…
D’autres, du même âge, pensaient à faire quelque chose en France. La difficulté était immense. Comment ? Avec qui ? Face à un occupant tout-puissant qui allait trouver rapidement des relais français, officiels ou anonymes. Pourtant, peu à peu, la résistance intérieure s’inventa. Que de chemins parcourus en quatre ans ! De quelques hommes et femmes en 1940 au programme du Conseil national de la Résistance (CNR), au printemps 1944.
Ces engagements exceptionnels, mais pas rares, confortent le témoignage rap porté par l’historien résistant Marc Bloch « Il y a des militaires de profession qui ne seront jamais des guerriers ; des civils qui, par nature, sont des guerriers ».
Seize combattants reposent dans la crypte du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien, symbolisant les campagnes de 1939-1945, la Résistance (dont celle face aux Japonais) et la déportation. Le caveau n° 9 est destiné à accueillir le dernier Compagnon. Qui sera-t-il ?
Lorsqu’on sait que la chancellerie est sans nouvelle de quatre d’entre eux depuis 1945, il est impossible de situer, précisément, le nombre de ces Compagnons encore en vie. Autre interrogation : la famille du dernier titulaire de la croix de la Libération connu, donnera-t-elle son accord ? Et puis, y aura-t-il une cérémonie nationale pour marquer l’attachement de la France au dernier Compagnon ?
L’Ordre de la Libération est en train de s’éteindre naturellement. Lorsque son Conseil ne pourra réunir quinze membres (personnes physiques), c’est un Conseil national des Communes Compagnon de la Libération qui s’y substituera.
Ces Compagnons qui ont répondu aux pressantes sollicitations de l’auteur, sont divers. Le plus jeune a 85 ans. Certains sont économes de leurs mots. D’autres ont été plus prolixes, heureux de parler, mais aucun n’a pris la pose. Nonobstant cette modestie, il est indispensable de les placer au cœur de cette définition de la Résistance, d’Albert Camus : « J’appartiens à une nation qui depuis quatre ans a recommencé le parcours de toute son histoire et qui, dans les décombres, se prépare tranquillement, à en refaire une autre et à courir sa chance dans un jeu où elle part sans atouts ». Et d’obtenir de ces acteurs, leur regard sur une période diffuse et proche, qui ne constitue pas la préoccupation directe de ces jeunes générations. À la bourse des valeurs historiques, l’action Résistance continuera-t-elle d’être cotée après la disparition des derniers « engagés » ?
L’ouvrage qui se veut autant un témoignage pour l’avenir, n’en revêt pas moins un caractère d’une brûlante actualité. Qu’en pensent, en effet, les jeunes générations, ces filles et ces garçons qui ont 20 ans en 2006 ? Patriotisme, don de soi, sens des valeurs ? Ce vocabulaire a-t-il un sens pour eux ? Ces hommes discrets et exceptionnels leur disent à quel point s’engager reste impérieux.
Plus qu’un témoignage, ces Compagnons livrent là, un message d’une grande exigence et d’une indéniable force morale. Qu’en restera-t-il dans 20 ans ? ♦