L’exécution de Saddam Hussein sanctionne la fin d’une époque et illustre symboliquement les aspects nouveaux de la vie politique irakienne. La place de l’Iran et le partage du pouvoir restent des enjeux qu’il est difficile de cerner, les références habituelles au Viêt-nam ou à l’Allemagne n’étant pas toujours pertinentes face à une situation qui reste ouverte entre déstructuration et construction étatique.
L'Irak après la mort de Saddam Hussein
Irak after the death of Saddam Hussein
The execution of Saddam Hussein marks the end of an era and is a symbolic illustration of a new direction in Iraqi politics. Power-sharing and the place of Iran are difficult issues to grasp, and the customary comparisons with Vietnam and Germany are not always relevant in an open-ended situation between breakdown of the State and its reconstruction.
La mort de Saddam Hussein n’est pas un événement. En soi, elle constitue presque un non-événement. Préparée, attendue, prévue pour ainsi dire, elle était quasi-inévitable depuis sa capture, étant donné l’énormité des crimes qui lui étaient reprochés. Tout au plus aurait-on pu envisager une condamnation à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération dans l’hypothèse d’un Irak particulièrement miséricordieux et farouchement opposé à la peine de mort, ce qui est loin d’être le cas, au vu des rancœurs que nourrit contre lui la majorité de la population à l’issue de son demi-siècle désastreux d’exercice du pouvoir.
En fait, son exécution, symbolique, à la veille de l’Eid al-Adha et des fêtes de fin d’année, correspond davantage à une clôture ; un Irak qui referme une page de son histoire, en terminant avec ce chapitre avant de remettre son corps aux siens et de se tourner vers les problèmes plus urgents de son actualité. Pas de famille pour recevoir le corps, et pour cause : ses fils tués, ses gendres exécutés par lui-même en 1995, ses femmes et filles en exil, Saddam Hussein était dans une large mesure une survivance du passé, presque un anachronisme ; un homme qui a cru encore pouvoir jouer l’affrontement Est-Ouest en 1991, vestige au pouvoir d’un parti Baath vieilli, plus connu pour ses querelles intestines que pour ses réussites à l’échelon panarabe, un des derniers dictateurs de la guerre froide, qui n’a pas su voir le monde changer, et a vu son pouvoir tomber sans doute en partie pour avoir été capable de tout, y compris du pire, et s’être montré particulièrement doué dans ce pire. Un électron fou de la politique internationale plus qu’un électron libre, et renversé pour avoir voulu jouer au plus fin avec des forces qui le dépassaient.
Toutefois, cette exécution a quelque chose de novateur : c’est la première fois qu’un dictateur, en Irak et plus généralement au Proche-Orient est jugé, condamné et exécuté à l’issue d’une procédure judiciaire à peu près honnête. Malgré toutes les critiques que l’on peut lui faire, et d’abord celle d’avoir été une justice de vainqueurs, critique à laquelle n’a d’ailleurs échappée aucune des juridictions de ce type, (tribunaux de Nuremberg, de La Haye et d’Arusha compris), ce procès, avec tous ses défauts, n’a pas été pour autant la parodie de justice que d’aucuns pouvaient craindre. Ce qui n’est pas négligeable dans un pays où le coup d’État, souvent accompagné du massacre des vaincus, a été la règle de changement de régime depuis 1958 et qui n’a pas connu de dirigeant réellement populaire (et non populaire par défaut).
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