Acteur grandement présent politiquement (moins en tant que conseiller et exécutant du Prince participant à l’élaboration, puis à l’exécution de la décision publique, mais plutôt en tant que magistrat décisionnel d’influence placé au cœur même du système cérébro-spinal de l’organisme social, pour employer le langage durkheimien), mais aussi historique (acteur générant l’État et lui conférant sa substance, ce qui fait fortement penser à la célèbre phrase de Seeckt selon laquelle la Reichswehr est au service de l’État, elle est l’État) et enfin culturel (mission d’encadrement et de formation de la nation toute entière assignée à l’officier dont la réalité puisse être débattue à nos jours, mais la rhétorique et l’imaginaire militaires ne font pas de doute à son sujet), le militaire en Turquie est objet étrangement discret des sciences sociales. Cet article a pour objectif central de saisir le pouvoir militaire en Turquie et d’en cerner les niveaux décisifs.
Armée en Turquie : pouvoir militaire, pouvoir civil
The Turkish Army: military power, civil power
The Turkish Army is ever-present politically, less as an adviser and executive arm of the Government helping with the planning and execution of public decisions but more as an arbiter of influence placed at the very heart of the social order’s nervous system, to quote Durkheim. It is also an historic force, as the actor which generated the State and gave it substance; one is reminded of the celebrated phrase of von Seekt that the Reichswehr was ‘. . . not only at the service of the State–it is the State’. Finally, the cultural mission of providing a framework and training to the entire State is entrusted to its officers; the reality of this may be debated these days, but military rhetoric and imagination leave little doubt as to the theory. The whole question of the military in Turkey is strangely discreet in the social sciences. The main aim of this article is to examine the reality of military influence in Turkey, and to bring out its main aspects.