Peut-on se satisfaire de la natalité en France et en Europe ?
Peut-on se satisfaire de la natalité en France et en Europe ?
La réponse est bien entendu négative, autant que solidement argumentée. On sait que M. Laulan choisit soigneusement ceux qui ont l’honneur de devenir ses collaborateurs et qui sont ici, le temps d’un colloque, au nombre de huit, bien connus pour la plupart et experts en démographie. En fait, tout citoyen un peu curieux et observateur la connaît, cette réponse !
La situation est en effet tout bonnement catastrophique. Au-delà de la France, toute l’Europe (« seul continent à accroissement naturel négatif ») connaît depuis plusieurs décennies un « hiver démographique » succédant au baby-boom d’après-guerre et « s’enfonce dans l’implosion ». La baisse de la fécondité entraîne le non-remplacement des générations et le vieillissement de la société avec les conséquences morales, sociales, économiques et financières que cela comporte. Le phénomène est masqué en partie par les naissances provenant de la population immigrée, lesquelles ont augmenté de 28 % dans les six dernières années, atteignant la proportion de 16 % du total. Quelques pages de lecture ardue et une série de graphiques apportent des preuves qui ne font que confirmer l’impression générale et la transformer en certitude.
La question semble n’intéresser que médiocrement nos gouvernants axés sur le court terme des échéances électorales et qui ont transformé de longue date la politique familiale classique en politique sociale d’assistance à coups de transferts plus ou moins opaques par l’installation de « tuyauteries usinées pour pomper les ressources de la Cnaf » en direction des branches maladie et vieillesse. Bref, on dénonce ici un véritable « démantèlement » et on proclame sans vergogne que « les politiciens n’ont cessé de piller les familles ». Pendant ce temps, l’Insse, fort malmené dans ces pages, « pousse des cocoricos » en jonglant avec les chiffres et à sa suite, les « bécassines de la presse triomphaliste » célèbrent notre double accès à la tête des championnats, le foot et les bébés. Que peut faire dans ces conditions, face à ce « mal français, le malthusianisme », une poignée de Cassandres des deux sexes, même encouragée par les propos énergiques de Christine Boutin ?
Les diverses mesures en faveur de la famille, par exemple en matière de congé parental, ont eu un impact certain à considérer des exemples scandinaves ou autres, en fournissant au moins un « contexte favorable ». Mais la relation avec la fécondité n’est que partielle puisque les États-Unis s’en tirent bien en l’absence d’une « politique familiale ambitieuse et généreuse ». On s’aperçoit finalement que « les évolutions des sociétés précèdent ou conditionnent les modifications législatives ». Il ne faut pas sous-estimer, affirme Yves-Marie Laulan, les « facteurs spirituels que sont la religion et le patriotisme ». Après tout, le moral, la volonté populaire expliquent largement le baby-boom annonciateur des Trente glorieuses.
Avoir autant d’enfants que souhaité ? Franchir ainsi le cap déterminant du troisième, ce supplément « indispensable pour maintenir la descendance finale au niveau du seuil de remplacement » ? La réalisation de ces objectifs est malheureusement d’autant moins à portée qu’elle se heurte chez nous à nombre de tabous : l’ambiance libertaire sur le sujet, la délicate comparaison entre communautés, la contraception qui « sépare la sexualité et la procréation » et surtout le travail féminin ainsi que la scolarité prolongée qui le précède. Difficile à concilier avec la vie de famille, le souci de la carrière risque de primer et d’entraîner en outre des naissances tardives. Ne nous parle-t-on pas de parturientes sexagénaires ? La femme au foyer est déconsidérée et jugée « idiote ». On n’est pas près d’admettre qu’« être parent est aussi utile (à la société) qu’être travailleur ».
Allons, selon une formule élégamment et prudemment tournée, nous assistons à une « remontée de la fécondité qui est exclusivement due à des facteurs extrinsèques au noyau dur de la population française » ! Au total, comme c’est souvent le cas, le diagnostic est impeccable et convaincant, la thérapeutique est plus floue. Selon toute probabilité, à ce rythme, le chemin est tracé : « à la fin du XXIe siècle, la civilisation européenne n’appartiendra plus qu’au passé ». ♦