Guerre en montagne, Renouveau tactique
Guerre en montagne, Renouveau tactique
Clair, bien écrit, illustré de croquis agréables, sérieusement étayé, ce livre témoigne aussi du courage de ses trois auteurs. Établir une fois pour toutes les principes qui régissent la guerre et permettent au chef qui les respecte d’atteindre la victoire, voilà le rêve des militaires. Que le rêve soit sans cesse déçu n’empêche pas de persévérer dans la quête, quitte à en relativiser les résultats ainsi que l’ont fait les plus célèbres stratèges et Foch lui-même, notre grand principologue. Saluons donc l’entreprise audacieuse de trois Alpins patentés qui appliquent leur recherche à la guerre en montagne.
Le contexte actuel justifie leur démarche et, dans sa préface, le général Bentégeat y voit, non sans raison, une excellente illustration des conflits « asymétriques » où s’enlisent aujourd’hui les armées régulières. Les auteurs, qui n’ont guère plus d’illusions que leurs illustres prédécesseurs sur la valeur des principes, en définissent pourtant six qu’ils jugent propres à la guerre en montagne. Le tableau de la page 15, qui les croise avec les trois principes de Foch, montre les limites de l’exercice. On n’espérera pas non plus voir trancher le grand débat montagnard entre les tenants des hauts et les tenants des bas : « Qui tient les hauts exploite par les bas… Qui ne tient pas les bas perd les hauts ».
Au diable les principes (Foch encore) et venons à la grande question que posait le préfacier. Le milieu montagnard – caractérisé ici autant par le climat que par le relief – est-il constitutif d’une relation asymétrique entre les adversaires ? C’est ce qu’il semble, et les auteurs rappellent en avant-propos que la montagne est aujourd’hui, dans les points chauds du monde, le repaire des mouvements terroristes. Pourtant, deux pages plus avant, ils soulignent « la tyrannie égalisatrice » qu’exerce ce milieu impitoyable et qui empêche de distinguer, des deux antagonistes, qui est le faible, qui le fort. Cette confusion n’est-elle pas au cœur des conflits asymétriques, où qu’ils se déroulent ?
Au reste, la deuxième partie du livre, la plus riche, propose six cas concrets historiques dont la lecture est passionnante et éclaire cette fausse querelle. Certes, trois d’entre eux (Macédoine 1918, Apennins 1944, Malouines 1982) mettent aux prises des adversaires de même nature. Mais les trois autres (Fin lande 1939, Afghanistan 1982 et 2002) sont parfaitement « asymétriques ». Le résultat est alors clair, et en faveur du combattant autochtone et rustique. Ce que reconnaissent honnêtement les auteurs, citant Clausewitz en conclusion : « La montagne est le refuge des faibles ».
Guerre en montagne figure parmi les trois ouvrages présélectionnés par le jury de la Saint-Cyrienne pour son prix littéraire 2006. ♦