L’équipement des forces et le format des armées n’ont pas été les seuls secteurs affectés par ce qu’il est coutume d’appeler la restitution « des dividendes de la paix ». Dans le domaine quelque peu caché de l’administration militaire, la disparition de la menace immédiate d’un conflit majeur conventionnel a également eu des conséquences marquées, insuffisamment relevées, qui bouleversent quelques habitudes fondées sur la prudence et l’expérience. Le mouvement de fond engagé n’étant pas encore tout à fait parvenu à son terme, il apparaît encore opportun de rappeler quelques principes d’organisation en passe d’être oubliés. Il n’est en effet pas certain que l’efficacité des armées et la sauvegarde des intérêts de l’État sortent renforcées des évolutions poursuivies.
Administration militaire et commandement : de l'inversion d'une subordination
Military administration and command: the inversion of a subordination
The equipment programme and army structures have not been the only areas affected by what it is usual to call ‘the peace dividend’. In the somewhat hidden world of military administration, the disappearance of the immediate threat of a major conventional conflict has also had marked consequences, not stated enough, that upset certain habits based on prudence and experience. The fundamental changes undertaken not having quite come to term, it seems useful to reiterate some organisational principles that are in danger of being forgotten. It is not by any means certain that the effectiveness of the Armed Forces and the safekeeping of the State’s interests will be improved by the changes being undertaken.
L’administration militaire, telle qu’elle s’exerce notamment à travers les missions des trois commissariats, s’est façonnée lentement au fil des conflits militaires dont notre histoire est jalonnée. Pour répondre aux besoins des armées en opérations dans le cadre du modèle historique de l’affrontement bilatéral, chaque époque, prenant appui sur le retour d’expérience, a ajouté sa pierre pour bâtir un cadre législatif et réglementaire original, distinct par son objet, son champ de compétence et ses méthodes, des règles communes appliquées par l’administration civile.
Cependant, les quarante-cinq années de paix générale que connaît notre pays depuis 1962 ont insensiblement influencé les esprits et amené des changements profonds dans la manière d’envisager l’administration militaire. Désormais, pour beaucoup, celle-ci n’a plus de raison de se différencier d’un modèle devenu civil. C’est oublier qu’elle concourt éminemment — comme d’autres soutiens — à la capacité opérationnelle des armées et qu’elle doit conserver les moyens d’agir dans des circonstances dramatiques dont la résurgence est toujours possible.
Le rationalisme d’un « esprit des lumières » réformateur, dopé par les énormes progrès de l’informatique, la recherche d’économies — pas toujours significatives — et l’oubli des leçons de l’histoire conduisent l’innovation administrative sur les voies périlleuses d’une civilianisation qui touche non seulement — au sens usuel du terme — le personnel mais aussi et surtout les méthodes, les principes d’organisation et donc de subordination.
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