Abrégé géopolitique de l'Amérique latine
Abrégé géopolitique de l'Amérique latine
François Thual est un maître ès concision et un excellent vulgarisateur. Que ce dernier terme ne soit pas pris ici dans un sens restrictif, voire péjoratif. Bien au contraire. L’ouvrage présente chronologiquement quatre périodes s’étendant sur deux siècles jusqu’à nos jours et livre des condensés en vingt-cinq courts chapitres, chacun étant parfaitement ciblé sur un sujet précis (l’espace mexicain… l’ombre du pétrole…). On ne va tout de même pas reprocher à un auteur de traiter l’essentiel en peu de pages denses et claires, là où à l’évidence résiderait la matière d’un gros pavé.
Certaines dominantes apparaissent nettement. Tournés que nous sommes vers l’histoire de nos conflits européens et des découpages territoriaux qui s’ensuivirent, il nous arrive d’oublier que les États issus de l’immense et désert Empire espagnol (12 millions d’habitants sur 30 millions de kilomètres carrés !) se sont empressés, au terme d’une émancipation « ni concertée, ni coordonnée, ni linéaire », de s’affronter dans des guerres meurtrières qui laissèrent en particulier le Paraguay exsangue et privèrent la Bolivie de son accès à la mer. Deux objectifs relevant directement de la géopolitique se font jour : d’une part, l’« obsession de la bi-océanité » ; d’autre part, le « rêve antarctique ». La situation démographique se caractérise par des « trop pleins – zones de pauvreté, d’insécurité et de violence – posés sur des espaces vides ». L’influence européenne, jadis très forte et incluant d’indéniables sympathies pour les puissances de l’Axe dans les années 30, a considérablement diminué, tandis que les avant-postes soviétiques de la guerre froide étaient repliés par la force des choses.
L’union, pourquoi pas ? En souvenir de l’idéal commun « qui anima la lutte pour l’indépendance ». L’Europe serait bien aise de se constituer autour de seulement deux langues, au demeurant proches. L’objectif est pourtant lointain, car il existe autant de motifs d’affrontement que de velléités de rapprochement. On note actuellement la montée du géant brésilien ; le développement d’un « populisme de gauche » ; les « guérillas endémiques » (dont on peut se demander si ce sont des jacqueries, des mouvements terroristes, des repaires liés à la drogue, l’expression du « réveil identitaire du monde indien »… ou peut-être bien un mélange de tout cela !)… Washington veille, de très près, bien que peu populaire auprès des masses. On lira avec une attention particulière l’avant-dernier chapitre consacré à cette pénétration aux multiples facettes, y compris les avancées des « églises néo-protestantes qui sont en train de mettre le catholicisme traditionnel en ballottage », comme ce fut noté à l’occasion du récent voyage de Benoît XVI. Quant au style de la conclusion, il tranche avec le reste du texte en prenant de la hauteur.
Aucune révélation fracassante donc, mais bravo pour le sens de la synthèse et l’impartialité. ♦