Les effets du réchauffement de la planète sont particulièrement visibles dans le Grand Nord, l’Année polaire internationale (2007-2008) tombant à point à cet égard. Si toutes les conséquences heureuses et malheureuses sont loin d’en être encore perçues, ce nouvel état de fait réveille les revendications ou convoitises (plateau continental, zones économiques exclusives, ressources naturelles et halieutiques…). À terme, il redistribuera aussi les enjeux de puissance, les sphères d’influence, les routes maritimes. Canada, États-Unis, Danemark, Norvège, Russie sont au centre de l’équation géopolitique. Dès lors, comment anticiper ces possibles facteurs d’insécurité ?
L'Arctique revisité
The Arctic revisited
The effects of global warming are particularly noticeable in the far North, and the International Polar Year (2007-08) is very relevant in this respect. If all the consequences, both fortunate and unfortunate, are still far from being recognised, this new state of affairs is awakening claims or ambitions (continental shelf, exclusive economic zones, natural resources and fishery, etc.). In due course it will redefine power politics, spheres of influence and maritime routes. Canada, the United States, Denmark, Norway and Russia are at the centre of the geopolitical equation. So how can one anticipate these possible sources of insecurity?
L’actualité stratégique du Grand Nord ne cesse de se renouveler, a fortiori en été : la fonte de la banquise est désormais un facteur clé de la géopolitique régionale. Et l’on pourrait dire aussi internationale, par les enjeux considérables qui en découlent dans un nombre important de domaines et pour un nombre appréciable d’États, et non des moindres (1).
D’abord, les faits. Les scientifiques considèrent que la banquise a perdu de 1979 à 2005 environ 25 % de sa superficie (de 7,8 à 5,9 millions de km2). Le Centre national américain de données sur la neige et la glace (NSIDC) a confirmé en septembre 2007 que les glaces estivales ne couvraient plus que 4,24 millions de km2 (5,32 en 2005). Les cartes des satellites ne souffrent pas la discussion ; et la tendance est irréversible : non seulement, la banquise fond, mais la banquise pérenne rétrécit. En 2003, la Nasa assura que « l’Arctique (perdait) près de 10 % de sa couche de glace permanente tous les dix ans depuis 1980 ». De même, la banquise aurait perdu 42 % de son épaisseur dans les cinquante dernières années (2). Un rapport canado-américain de 1997 avait déjà prouvé qu’en mer de Beaufort (nord de l’Alaska), l’eau était plus chaude et moins salée. On suppose qu’en 2050, peut-être en 2030, il n’y aura plus de banquise estivale.
Cela est évidemment de grande importance. Pour la cartographie, civile et militaire. Pour les ressources halieutiques, les poissons migrant en fonction des gradients de température. Pour les espèces animales telles que les phoques et les ours (arktos signifie ours). Pour la navigation maritime : économie de temps (3), également droits de passage non négligeables pour l’économie des États. Pour les transports à longue distance. Pour les litiges frontaliers, la mer ainsi « créée » par la fonte des glaces pouvant constituer juridiquement ou des eaux territoriales ou de la haute mer. Pour l’exploitation des richesses : matières premières (pétrole, gaz), minerais (4). Pour l’environnement : notamment, les risques de marée noire sont particulièrement redoutés (Alaska américain, Grand Nord canadien, Groënland danois, mer de Norvège…). Pour les autochtones (premiers occupants) : le pergélisol fond, fragilisant les constructions et infrastructures, réduisant les déplacements. Pour les trafics illicites.
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