Alors que l’Afghanistan est encore à feu et à sang, le mythique cinéaste et romancier Pierre Schoendoerffer a rendu une visite de courtoisie aux paras français qui sont actuellement en opération sur place, dans le cadre de l’Isaf. C’était pour lui un retour aux sources après le film La Passe du diable qu’il a réalisé sur place, auprès de Joseph Kessel, au milieu des années 50…
Afghanistan : cinquante ans de solitude - (Sur un voyage de Pierre Schoendoerffer)
Une information importante, et émouvante, est passée presque inaperçue. Au début du mois de septembre 2007, le romancier et cinéaste Pierre Schoendoerffer, 79 ans, a accompagné un régiment de l’armée française opérant en Afghanistan. L’événement, a fait l’objet d’une longue dépêche AFP le 15 septembre, intitulée : « Pierre Schoendoerffer à Kaboul cinquante ans plus tard avec son ancien régiment » (1), mais elle n’a été reprise par aucun grand média. Puis le 8 novembre Schoendoerffer a signé dans Le Figaro Magazine une belle tribune : « À Kaboul avec les paras du 1er RCP ». L’événement n’a pas eu plus d’écho que cela : une dépêche et une tribune de presse. Étonnant. C’était pourtant comme un retour aux sources, un pèlerinage en Terre Sainte, un exil au berceau, pour le célèbre réalisateur, membre de l’Institut. On semble souvent oublier que l’auteur du Crabe Tambour a commencé sa carrière, en fanfare, dans l’ombre de Joseph Kessel, en co-réalisant le film La Passe du diable (1956), un long-métrage documentaire sur l’Afghanistan.
Inutile de souligner ici ce que cette visite en terre afghane peut avoir de particulièrement symbolique, cinquante ans après la sortie de ce film… Si Schoendoerffer n’a pas changé (à peine quelques rides…), si son film n’a pas trop mal vieilli (2), le pays a connu bon nombre de bouleversements, d’innombrables crises, et d’incessants combats dans ce laps de temps. En cinquante ans de solitude, le visage de l’Afghanistan s’est complètement métamorphosé. Triste métamorphose, qui a mis le pays à terre.
La Passe du diable, dont le scénario et la narration sont signés Kessel, est un portrait vivant et percutant du peuple Afghan. C’est un documentaire « romancé », mêlant séquences « mises en scène », organisées, écrites, et séquences spontanées, prises sur le vif. Au cœur de ce portrait filmé d’un peuple, il y a le sport, éternel liant universel entre les hommes. La Passe du diable décrit l’entraînement âpre et viril de cavaliers préparant le grand tournoi royal de bouzkachi, se tenant à Kaboul. Pratique sportive ancestrale, le bouzkachi oppose des cavaliers devant se saisir de la carcasse d’un bélier et la déposer dans une zone matérialisée au sol. Un jeu violent et authentique, plein d’histoire et de noblesse, bien loin d’un quelconque folklore pour touristes. Dans La Passe du diable, Schoendoerffer filme surtout le destin tragique de deux frères, issus d’un village reculé d’Afghanistan : le grand frère, Mokkhi, un émérite cavalier, un « tchopendoz », préparant le tournoi de bouzkachi, et son petit frère, Rahim, rêvant de devenir lui-même un « tchopendoz » et rejoignant clandestinement la capitale pour assister à l’événement royal. Le destin faisant toujours mal les choses (et l’Afghanistan semble être un théâtre idéal pour que les destins les plus tragiques s’accomplissent), le petit Rahim meurt accidentellement sous les sabots du cheval de son frère, alors que ce dernier sort victorieux de la mêlée furieuse.
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