Marine - La France puissance maritime ?
Être une puissance maritime n’est pas une quelconque évidence, un simple don de la nature ou du ciel ! Être une puissance maritime est une victoire, celle d’une volonté politique. Celle d’une nation qui, à cette fin, a choisi délibérément et avec opiniâtreté d’exploiter des atouts géographiques, humains, économiques, scientifiques, industriels… Or, après une longue éclipse, la France ne serait-elle pas heureusement en passe de remettre ses intérêts maritimes au cœur des décisions politiques ? Trois événements récents peuvent le laisser augurer.
Le rapport Poséidon
En décembre 2006 un groupe de travail (Poséidon), mandaté par le Premier ministre et coanimé par le Secrétariat général de la mer et le Centre d’analyse stratégique, a rendu un rapport intitulé : Une ambition maritime pour la France (1), tandis que la Commission européenne lançait de son côté une réflexion à propos d’une politique maritime intégrée de l’Union européenne, réflexion pour laquelle le gouvernement français n’a pas manqué d’apporter sa contribution (2). Le rapport Poséidon, faisant référence au principe de bonne gouvernance, souligne l’urgence d’une prise de conscience politique et celle de créer les opportunités nationales ou européennes pour tirer le meilleur parti des atouts maritimes. En conclusion les rapporteurs notent que l’engagement de l’État à consacrer les moyens politiques et financiers nécessaires à une telle ambition, légitime au regard des atouts et des moyens dont il dispose, serait un signal fort, notamment pour des acteurs qui n’attendent pas tout de lui, mais ont besoin de perspectives claires et réalistes (3). Ce rapport, le premier depuis longtemps à proposer de telles perspectives globales, n’a pas immédiatement reçu l’écho qu’il méritait, rattrapé par les deux périodes électorales du premier semestre 2007, mais pour autant n’a pas été abandonné comme nous le verrons ci-après.
Les 3e Assises de l’économie maritime
Coorganisées à Marseille les 13 et 14 décembre 2007 par Les Échos et Le Marin, en étroite collaboration avec l’Institut français de la mer (IFM) et le Cluster maritime français (CMF), ces Assises ont été un réel succès et ont vu converger les interventions. Ce colloque a clairement démontré que la communauté maritime française est aujourd’hui organisée, et unie dans une même perspective : redonner à la France son rang de puissance maritime si telle est bien la volonté de la nation et de l’État. Plus de 700 professionnels des six marines (pêche, marchande, nationale, scientifique et industrielle, tourisme et nautisme, sauvetage) et 150 étudiants dans les disciplines concernées, rassemblés pendant deux jours, en province, à une période de l’année qui n’était pas la plus favorable : ce succès est à rapprocher des débuts très encourageants et prometteurs du CMF porté sur les fonts baptismaux il y a tout juste deux ans par l’IFM ! Ces professionnels n’ont pas quémandé des subventions, même si telle ou telle réforme indispensable à venir devra éventuellement être temporairement accompagnée dans un premier temps par l’État ou l’UE. Ils ont simplement, mais avec force et fierté, tenu à rappeler, à mettre en exergue les atouts maritimes, économiques et humains (lesquels génèrent déjà plus de 310 000 emplois directs et 48 milliards d’euros de valeur ajoutée) (4) dont dispose notre pays, alors que la mondialisation renforce encore le caractère stratégique du fait maritime, mais aussi exacerbe la concurrence internationale. Pour étayer leurs propos, ils ne se sont pas contentés de mentionner que 95 % des cargaisons transitent par voie maritime. Ils ont, par exemple, fait référence aussi bien à M. Jacques Attali (Une brève histoire de l’avenir) qu’aux récentes déclarations ministérielles allemandes (Un pays comme l’Allemagne doit considérer l’économie maritime comme une affaire nationale) ou norvégienne (Le développement de nos activités maritimes est notre plus importante responsabilité)… ou bien encore au retour récent sur le devant de la scène diplomatique (démonstrations au pôle Nord et en Méditerranée) de la Marine russe en appui de la politique de puissance du président de la Fédération de Russie. Quant au Livre bleu, Une politique maritime pour l’UE, qui marque la prise de conscience de la Commission européenne, il n’a bien sûr pas été oublié tant il est évident que les politiques maritimes, donc fortement internationales, européennes et nationales ne peuvent s’ignorer. Bref, ces acteurs de premier plan, tous secteurs confondus, dont les entreprises ont souvent su se hisser parmi les meilleures au monde, ou à tout le moins être reconnues pour leur savoir-faire, ont souligné, s’il en était besoin, l’intérêt politique, économique et social majeur de notre économie maritime. Ils souhaitent donc, naturellement, qu’elle se développe encore, mais surtout qu’elle puisse, dans un contexte de concurrence internationale des plus vives et naturelles, rester française.
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