L’évolution récente des relations franco-rwandaises fait revenir l’opération Turquoise dans l’actualité. Constatant que les réalités de cette opération sont mal connues et souvent déformées, il paraît utile de donner le point de vue du commandant d’opération, acteur directement concerné, confronté à une mission difficile qui a été l’objet de graves accusations.
Turquoise, une opération nécessaire, une mission délicate
Turquoise: an essential operation, a difficult mission
The recent evolution in Franco-Rwandan relations has brought Operation Turquoise back into the spotlight. As the realities of that operation are little known and often misrepresented, it seems useful to give my account of what happened by its commander, someone who was directly concerned, faced with a difficult mission against which some serious accusations have been made.
Dès l’indépendance du Rwanda, en 1962, éclatent des conflits entre Hutus et Tutsis (représentant respectivement environ 85 % et 15 % de la population). Environ la moitié des Tutsis, minoritaires, sont contraints de se réfugier en Ouganda.
Entre 1990 et 1993, le Rwanda connaît trois années de combats entre la communauté Tutsi d’Ouganda et la majorité Hutu au pouvoir à Kigali. Dans le cadre d’accords de coopération initiés en 1974, la France apporte son assistance militaire aux Forces armées rwandaises (FAR), principalement hutues, du gouvernement légitime de Kigali. Celui-ci, en contrepartie de cette assistance, devait accepter un partage du pouvoir entre les communautés. Établis sous l’impulsion de la France, les accords d’Arusha, entre l’État rwandais et le Front patriotique Rwandais (FPR), mettent fin aux combats en décembre 1993 et instituent un gouvernement de réconciliation et de coalition. Ils entrent en vigueur sous l’égide des Nations unies qui envoient une mission de paix, la Minuar (1) ; la France retire ses troupes du Rwanda (2).
Le 6 avril 1994, l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, entraînant la mort de ce dernier et du président du Burundi, déclenche la guerre civile. Un véritable génocide sera perpétré par certaines unités de la garde présidentielle et par les milices hutus à l’encontre de la minorité tutsie et de cadres hutus modérés. Invoquant la nécessité de secourir les victimes, les forces tutsies du Front patriotique rwandais (FPR) du général Kagamé envahissent le Nord-Est du pays à partir de l’Ouganda.
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