L'arme nucléaire
L'arme nucléaire
Bruno Tertrais, expert reconnu en la matière, signe un Que sais-je ? sur l’arme nucléaire. La collection vise l’information du grand public, ce livre remplit fort bien le contrat. Si bien même qu’il pourra servir, si l’on ose dire, de pense-bête au spécialiste
Sont abordés successivement la technologie, le concept de dissuasion, les moyens existants, le contrôle international. On relèvera au passage quelques points forts. L’arme nucléaire résiste au temps, et pour cause : l’horreur nucléaire est indépassable. Les idées se clarifient : la distinction ancienne entre armes tactiques et armes stratégiques n’est plus de mise ; après plus de soixante ans de non-emploi, tout est stratégique et, ajouterons-nous, tout emploi futur serait, bien au-delà du « stratégique », une monstruosité… métaphysique. L’irrationalité d’un dirigeant en possession de la Bombe, risque majeur sans cesse évoqué, ne saurait, par définition, être pris en compte et l’auteur cite Churchill : la dissuasion « ne s’applique pas au cas des cinglés ». Quoi qu’on en dise et quelle que soit l’énormité des arsenaux restant, le désarmement a marché bon train : le dernier-né des accords, dit SORT, le prouve.
Excellente vulgarisation, donc ! Pourtant, l’importance du sujet et les menaces qui pèsent sur l’avenir eussent pu porter l’auteur à plus de pédagogie, laquelle doit avoir pour but de détourner les proliférants de proliférer. Dans cette optique, il n’est pas bon de contester que « l’atome rende sage ». Pas bon non plus de minimiser les effets collatéraux des frappes envisagées sur les « centres de pouvoir ». Pas bon du tout de perpétuer le mythe du statut politique que conférerait la possession de l’arme, ou celui de la liberté d’action que celle-ci garantirait. On regrettera aussi que, dans cet ouvrage très américain mais français tout de même, les noms de Gallois et de Poirier n’apparaissent ni dans le texte ni dans la bibliographie. La conclusion, centrée comme il se doit sur l’avenir de l’arme nucléaire, est pessimiste à l’excès. L’auteur ne voit que deux issues, l’une et l’autre effroyables : ou bien son remplacement par une arme d’une autre nature et plus puissante encore, ou bien son utilisation. Entre ces deux enfers et en raison même de leur évocation, n’y a-t-il pas place pour le renoncement ? ♦