Après la récente publication d’articles évoquant les conclusions du Livre blanc et le sort qu’il réserverait aux armées, les auteurs réagissent et font appel au sens des responsabilités des hautes autorités.
Halte au feu !!
Deux articles coup sur coup dans la presse nationale (Le Point, Le Figaro), mettent en alerte ceux que l’avenir de la puissance militaire de la France préoccupe ou du moins intéresse. Les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale seront déposées dans quelques semaines. Les articles sont donc à considérer comme le produit, voulu ou non, de fuites malencontreuses, de spéculations gratuites ; ou bien comme des ballons d’essai en direction d’une communauté militaire qui ne sait à quelle sauce elle sera accommodée.
Résumons l’essentiel. Les armées vont être passées à la paille de fer. Opération qui repose à la fois sur leur soi-disant incapacité à justifier leurs besoins en effectifs et en deniers, la volonté de Bercy de trouver de l’argent, et la nécessité de satisfaire quelques besoins nouveaux, comme le renseignement, en économisant drastiquement sur des systèmes considérés comme inutiles à l’heure actuelle. Et, comme d’habitude, en réduisant les effectifs opérationnels.
Si ce type d’information journalistique est à ranger dans le catalogue bien fourni des petits potins sans lendemain, une rapide et très brève mise au point officielle permettrait de calmer le jeu. Elle éviterait des aigreurs d’estomac récurrentes et inutiles en ces temps déjà bien agités. S’il s’agit au contraire d’un conditionnement préalable à la mise à mort, qu’il soit permis quelques remarques aux condamnés.
Les forces armées s’adaptent sous contrainte financière sévère depuis les années 90. Il reste certainement des améliorations et des choix lourds à faire dans un contexte de disette financière. Ils seront faits ; mais l’essentiel a déjà été effectué avec une rétraction de plus de la moitié du format, la disparition du service militaire et la réduction de 40 % du budget. Quel ministère peut présenter un tel bilan de réduction interne proche de l’euthanasie ?
Aller bien au-delà en descendant le volume du personnel militaire en dessous de 250 000, déployable en tout temps et en tout lieu ou, aimable extravagance, par un gel en volume de la dotation financière comme le soutient Bercy, consacrerait la disparition de l’outil classique déjà particulièrement mal en point pour cause de dividendes de la paix.
La comparaison avec la République fédérale d’Allemagne (RFA) ne vaut pas. Des ambitions ultramarines réduites, un PNB supérieur au nôtre, l’absence de force nucléaire et le poids de l’histoire qui plombe pour longtemps l’Allemagne, ne peuvent nous servir de référence. À la différence des Britanniques qui maintiennent, coûte que coûte un outil cohérent. Cette nation a une élite parfaitement au fait des leçons de l’histoire, des contraintes géopolitiques et de la nécessité pour la classe dirigeante de mouiller sa chemise, ainsi que vient de le prouver un membre éminent de la famille royale. L’outil militaire appuie, entre autres, la politique extérieure du pays. La faiblesse du premier souligne immanquablement la vacuité du second.
On ne manquera pas aussi, en lisant les derniers articles parus sur le sujet, de s’étonner de la référence constante à Bercy. Certes la crème de la crème de nos grands commis y travaillent au bien public. Mais on avait cru comprendre, depuis fort longtemps, que la comptabilité ne prédisposait pas automatiquement à l’art de la guerre. Et qu’en outre le ministère des Finances était censé ouvrir l’escarcelle publique en seule fonction des décisions prises par les élus du peuple. Nous ne sommes peut-être plus dans cette saine configuration. Le Parlement et la démocratie apprécieront.
La mise en œuvre de cette hypothèse balaiera la puissance militaire de la France. Hors armement nucléaire qui perdra sa crédibilité au service d’un pays techniquement et moralement désarmé, elle la ramènera au niveau de l’Italie, autrement dit le néant militaire. Elle met la France, et au-delà ce qu’il reste de la maigre ambition européenne, entièrement sous la coupe des États-Unis, en capacités et action. Posséder un outil renseignement de qualité ne fera rien à l’affaire. Nous mourrons simplement plus savants et mieux informés…
On veut cependant croire qu’il ne s’agit là que des vaticinations de comptables irresponsables ou, pire, de malfaisants avant tout soucieux de tordre le cou à ce qu’il reste de l’exception française et du désir profond de la Nation d’assurer son avenir en toute liberté.
Les rédacteurs de cet article comptent évidemment sur le sens éminent des responsabilités du président de la Commission du Livre blanc, du chef d’état-major des armées, et avant tout du président de la République, chef des armées, pour renvoyer les comptables à leurs additions, les fossoyeurs à leurs illusions nauséeuses et pour donner à la France les forces armées qui lui seront nécessaires dans un avenir proche, lequel risque bien d’être sérieusement chahuté. ♦