Armée de terre - Les forces terrestres, dans les conflits aujourd'hui et demain
Armée de terre - Les forces terrestres, dans les conflits aujourd'hui et demain
Autrefois, les choses étaient claires. Les règlements, généralement publiés chez Lavauzelle, faisaient la loi des armées : « le règlement, c’est le règlement, allez, roulez ! ». Il n’en va plus ainsi. Ce livre ne dit pas ce qu’il est. Édité par une maison commerciale, on le présente comme une réflexion sur deux décennies d’action extérieure, concrétisation d’une renaissance de la pensée militaire française. Pourtant, préfacé par le général Cuche, sans auteur désigné autre que l’Armée de terre, court et parsemé de résumés en encarts et de schémas simplistes à la graphie soignée, document de référence largement diffusé, la visée didactique est évidente. Prêtons-nous au jeu, soulignant ses limites.
La thèse est annoncée d’emblée. La forme classique de la guerre est périmée. La destruction de l’autre, pour quoi les armées étaient faites, n’est plus décisive. L’intervention initiale, certes toujours violente, cède le pas, dès que possible, à la phase principale, dite stabilisation.
La première partie dessine le « nouveau visage de la guerre ». Sous ce nouveau visage, la guerre reste la guerre. La guerre institutionnelle disparue, c’est au sein des sociétés que se mène ce qui la remplace. Retour à Gallieni, Lyautey… et Lawrence d’Arabie. Comme on l’a vu en Irak, la guerre dissymétrique, violence initiale, ne règle rien : l’ennemi s’installe dans une confortable asymétrie. Aussi bien ne sommes-nous pas au service de notre pays, c’est le droit et la paix que nous défendons et notre ennemi est le partenaire de demain. La population – air connu – est à la fois acteur et enjeu du conflit. Dans cette situation, notre soldat est d’autant moins à l’aise qu’issu d’une société protégée et frileuse, il est confronté à des gens qui entretiennent avec la mort des rapports amicaux.
La seconde partie montre comment le malheureux peut espérer se tirer de sa pénible situation. Il lui faut agir dans un cadre interarmes, interarmées, multinational, qui accroît son efficacité mais complique la besogne. Il doit maîtriser sa force, savoir mieux ce qu’il ne doit pas faire que ce qu’il peut, s’adapter à d’étranges étrangers et pourtant « produire de la sécurité ». Tout cela se déroule sous le feu des caméras. À peine a-t-il agi, le soldat se voit projeté sur les écrans du monde. « Ce qui est vu est plus important que ce qui est vrai ».
La terrible affirmation que l’on vient de reproduire ouvre la porte à la critique. A-t-on raison de tant céder aux manies de l’époque et ne faut-il pas, réactifs comme l’époque nous demande de l’être, réagir ? Soutenir mordicus que le vrai est le vrai. Affirmer que, si nos adversaires sont nos partenaires de demain, jamais on ne tolérera que les tenants d’Al-Qaïda étendent leur emprise sur ceux que nous prétendons protéger. Mesurer enfin que la guerre institutionnelle n’était pas sans vertu, rempart contre la barbarie.
Ce livre relève un défi. Au moment de saluer le courage de ses auteurs, un triste constat s’impose. Dans les combats douteux où nos armées sont engagées, une certitude : le rôle des forces terrestres est essentiel. Six mois après la parution de l’ouvrage et alors même que le Livre blanc sur la défense n’est pas encore publié, on nous annonce la suppression de quelques dizaines de nos beaux régiments. ♦