J'ai épousé un Casque bleu, suivi de Sur la guerre
J'ai épousé un Casque bleu, suivi de Sur la guerre
David di Nota, romancier drolatique, nous offre là un drôle de livre, alerte de style, bien documenté, mêlant philosophie guerrière et plaisanteries de collégien, un brin surréaliste ; patronage de Philippe Sollers oblige. Le paysage militaire présente pourtant toutes les apparences du sérieux : le père de l’auteur-narrateur sert au 2e Régiment de commandement et de soutien à Versailles, puis en Bosnie dans la poche de Bihac en 1994, le général Janvier apparaît sans être maltraité, puis un autre général, yougoslave celui-là, Jovan Divjak, et le général Cot dans la note de remerciements, de hauts personnages aussi, Jacques Chirac, Édouard Balladur, Alain Juppé, Madeleine Albright, John Major.
Mais, que l’auteur l’ait voulu ou non, son livre, bien mince pourtant, est incohérent. Le titre, référence à la mère du narrateur, est une jolie tromperie. Le texte mélange recherches personnelles de l’auteur, conversations de bobos parisiens, souvenirs de la campagne du père en Bosnie en 1994, voyage d’information en 2007, sans oublier la page érotique de commande. De cette incohérence l’auteur s’explique dans l’appendice (1) : son œuvre est un roman raté. Que n’en a-t-il tiré les conséquences !
Ce venin lâché, venons à la thèse, laquelle est pertinente et portée par le vent du moment. Elle est toute contenue dans la citation de Clausewitz que l’auteur place en exergue : « Dans une affaire aussi dangereuse que la guerre, les erreurs dues à la bonté d’âme sont précisément la pire des choses ». La bonté d’âme dont il s’agit ici, c’est celle de l’ONU et de ses agents, militaires « gentils, pleins de bons sentiments », arborant dans l’action « un sourire propre et désolé ». Les erreurs annoncées par Clausewitz se payent en Bosnie par la prise en otages des Casques bleus français, car la France généreuse est « toujours en pointe du simulacre depuis que la folie humanitaire est devenue la raison des soldats ». Le « génocide » de Srebrenica est décrit avec un réalisme cruel à travers un documentaire diffusé par la BBC qui rapporte un pitoyable face-à-face entre le général Mladic et le commandant Karremans, Hollandais bien malencontreusement embarqué. Au-delà de ces épisodes sinistres, l’auteur stigmatise fortement le détournement de vertu dont sont victimes les soldats d’aujourd’hui : « Un militaire sans combat est une âme en peine ». Et, plus dur encore : « La guerre est horrible, dit quelqu’un ; non, c’est la paix, pensé-je ». On croirait lire du Baudrillard, mais n’est pas Baudrillard qui veut ! ♦
(1) L’appendice est intitulé « Sur la guerre », contournement du titre clausewitzien, déjà utilisé par David Rousset : Sur la guerre, Ramsay, 1987.