Parce que les médias confondent volontiers l’empathie pour les victimes avec la légitimité morale des guerres, les militaires — en particulier les Américains — souffrent d’une couverture souvent peu amène de leurs actions par les journalistes. À l’âge des médias de masse, ce culte de la « victimisation » (quel affreux mot !) peut avoir des répercussions tactiques voire stratégiques désastreuses. Le prurit d’infaillibilité morale qu’il exige façonne notre perception des guerres d’une manière idéologiquement biaisée. Il est aussi révélateur d’une défiance systématique des journalistes envers toute forme d’autorité, à plus forte raison lorsqu’elle porte un uniforme, et parfois en dépit de tout bon sens. L’information peut alors devenir l’enjeu central d’une bataille qui prend le dessus sur un affrontement armé pur et dur.
Guerre et logistique des perceptions
War and the logistics of perception
Because the media tend to confuse empathy for victims with the moral legitimacy of wars, the military - in particular the Americans - have had to contend with a less than sympathetic coverage of their deeds by journalists. In an age of mass media, the cult of ‘victimisation’ (such an awful word!) can have dire tactical and even strategic consequences. The indomitable need of moral infallibility that it demands has shaped our vision of war in an ideologically biased way. It is also the sign of a systematic defiance towards all forms of authority, even more so one that wears a uniform, and often against common sense. Information is then likely to become the core stake in a battle that takes over from a purely armed struggle.