Insurrections et terrorisme en Asie du Sud
Insurrections et terrorisme en Asie du Sud
Cet ouvrage copieux sera un livre de référence. L’expression, galvaudée, est ici compliment. Le général Lamballe a, durant sa carrière militaire, tenu à six reprises des postes diplomatiques. Sociologue, diplômé de l’Inalco, il reste très actif sur le terrain, lequel n’est pas « la porte à côté ». Les nombreuses notes de bas de page, les annexes détaillées, une bibliographie impressionnante relevant notamment les sites Internet ouverts par insurgés et terroristes, satisferont les plus exigeants. Cette riche documentation ne doit pourtant pas détourner le lecteur ordinaire des idées qui s’en dégagent.
La principale est un pessimisme bien assis. La quatrième de couverture s’ouvre sur un euphémisme : « L’Asie du Sud n’est pas pacifique ». Si l’on sait que le quart de l’humanité et plus du tiers des musulmans y sont rassemblés, cette non-paix a, en effet, de quoi inquiéter. La non-violence prônée par Gandhi n’est pas du tout dans le caractère des habitants du sous-continent ; la violence est leur affaire et c’est bien pour l’éradiquer que le mahatma a œuvré avec, on le voit aujourd’hui, bien peu de succès. Les victimes des insurrections et du terrorisme s’y comptent par millions.
La première partie, la plus importante, traite des « aspects internes ». Trois pays sont sur le devant de la scène, Inde, Pakistan, Sri Lanka. L’Inde doit faire face à plusieurs sortes de trublions : au Nord-Est sont les indépendantistes, au centre les maoïstes (incroyable mais vrai !), au Cachemire les islamistes… auxquels répondent les extrémistes hindous. Voilà qui, à côté d’autres faiblesses moins sanglantes, amène à tempérer la célébration, très à la mode, de « la plus grande démocratie du monde ». Le tableau du Pakistan surprendra moins le lecteur, habitué au désordre des « zones tribales » ; on lui rappelle qu’il y en a d’autres, au Baloutchistan, au Cachemire bien sûr, et partout entre musulmans divers. Au Sri Lanka enfin sévissent les Tigres tamouls qui, pour n’être pas de la même paroisse, disputent aux islamistes la palme de la cruauté. Aussi cruels qu’eux, ils sont beaucoup mieux organisés ; c’est une insurrection modèle, disposant d’une force de 18 000 hommes et d’unités navales, et capable de faire illusion dans l’administration de la zone qu’elle contrôle. La deuxième partie aborde les « aspects internationaux ». Les frontières en Asie du Sud, à l’instar de celles d’Afrique et pour les mêmes raisons postcoloniales, font fi des ethnies. Celles-ci trouvent dans ces tracés bizarres à la fois la justification de leur insurrection et de grandes facilités pour la mener. Le Cachemire, le Nord-Est de l’Inde, le Nord-Ouest du Pakistan sont les théâtres où se jouent des tragédies programmées.
La conclusion ne dément pas le pessimisme initial : « Ces pays ont plus de temples et de mosquées que d’écoles et d’hôpitaux ». La moitié de l’umma s’y trouvera bientôt, le Nord-Est indien est en perdition, le Pakistan, nucléaire comme l’on sait, est le centre du terrorisme mondial. Le constat fait froid dans le dos. Rassurons-nous : en regard de ces perspectives, la Chine est une sorte de Gargantua, glouton sans doute, mais débonnaire. ♦