La défense antimissiles en débat(s)
La défense antimissiles en débat(s)
Le club Participation et progrès, sous la direction de Pierre Pascallon, aborde à nouveau le grand sujet : la défense contre les missiles. Ce retour est justifié par le projet américain d’un déploiement ABM dans l’Est européen. Comme il est habituel au club, ce livre rend compte d’un colloque, tenu le 15 octobre 2007. Le nombre des intervenants-auteurs (36) est gage d’exhaustivité et de contradictions fructueuses, source aussi de difficultés pour ordonner en un plan cohérent les prestations de prestataires indisciplinés. On distinguera donc, sans fantaisie, menace et réponse.
La menace peut être traitée de deux façons. La première est technique, donc reposante, et plusieurs « techniciens » (dont François Deneu et Véronique Cham-Mheilhac) précisent les capacités des missiles et leur vulnérabilité aux divers moments de leur brève trajectoire. La seconde présentation de la menace est plus fructueuse, dépassant la simple description des moyens pour examiner leur usage. À quoi ça sert ? La question amène des réponses nuancées et généralement rassurantes. Ainsi parlent François Géré et l’auteur de ces lignes, tous deux commentateurs sans responsabilités, mais aussi le colonel Metz et le général Jarry qui sont, eux, aux affaires (le général Jarry s’exprime en tant que commandant des Forces aériennes stratégiques).
Quelles parades opposer à la menace, réelle ou imaginaire ? L’obsession américaine est claire, « passion stratégique » dit Jean-Philippe Baulon, qui pousse les États-Unis à ouvrir un « troisième site » en Europe de l’Est. L’obsession est telle qu’elle autorise un soupçon ; la défense américaine vis-à-vis d’éventuels proliférants cacherait un dessein offensif que certains baptisent « sanctuarisation agressive ». Pour d’autres, la menace iranienne ne serait que prétexte, les vraies cibles étant la Chine (général Quesnot) et la Russie (Jean-Yves Chevalier). Mais le troisième site intéresse aussi l’Europe, dont l’autonomie stratégique paraît à Jean Thyrard directement compromise. Pour Jean-Sylvestre Mongrenier, le projet américain est le révélateur de l’impuissance de l’Europe ; une « politique de jouissance » est la seule dont celle-ci soit capable ; pourtant, le vrai défi à relever n’est pas de l’ordre de la technique ; il y faut « de la sainteté et de l’héroïsme, rien de moins ».
On notera enfin la sage modération des conclusions. Joseph Henrotin et Emmanuel Dupuy sont tous deux sceptiques sur la réalité de la menace. Leur scepticisme fait un juste contrepoids à l’enthousiasme des techniciens. ♦