Géopolitique de l'Inde. Védisme, laïcité et puissance nucléaire
Géopolitique de l'Inde. Védisme, laïcité et puissance nucléaire
Le nombre d’ouvrages paraissant sur l’Inde, y compris en langue française, est impressionnant. Celui-ci se distingue des autres par la qualité de son auteur, un scientifique, physicien et officier supérieur de réserve. Le regard qu’il porte sur l’Inde présente donc une certaine originalité. En introduction, l’auteur donne quelques précisions intéressantes. Le nombre de chiites (3 % de la population, soit plus de 30 millions) surprend, ce qui fait de l’Inde le troisième pays chiite du monde après l’Iran et le Pakistan. Mention est faite de l’invention du zéro en Inde, d’une notation numérique particulière, de l’attribution du prix Nobel à des scientifiques indiens (Bose, dont le nom est associé à d’autres savants Raman, Chandrasekhar).
L’auteur donne les caractéristiques générales physiques du pays en insistant à juste titre sur l’importance de la superficie, plus de 3 200 000 km2, à comparer avec celle presque identique de sa zone économique maritime si la largeur est portée à 200 nautiques. Il énumère ses ressources minières. Son analyse du peuplement l’amène à penser que les Aryens pourraient avoir été les premiers habitants du sous-continent (p. 31). Cette thèse, élaborée par plusieurs historiens indiens et étrangers et adoptée par certains nationalistes hindous, va à l’encontre des idées reçues affirmant que les Aryens sont des conquérants venus d’Asie centrale. Les parsis, venus de Perse en fuyant les invasions arabes, jouent un rôle sans commune mesure avec leur faible nombre, dans l’industrie (groupe de la famille Tata qui a créé le célèbre Tata Institute for Fundamental Research) et la science (Hami Bhabha, à l’origine de l’aventure nucléaire indienne). L’auteur aurait pu ajouter d’autres personnalités comme le maréchal Manekshaw, ancien chef d’état-major de l’Armée de terre, le vainqueur du Pakistan en 1971, décédé en juin 2008. Le système des castes et son influence dans la société actuelle sont bien décrits. Les « intouchables », désormais dénommés « dalits » parviennent parfois à des postes de haut niveau. L’un d’entre eux a même été président de la République. Les diverses religions nées en Inde dont bien sûr l’hindouisme mais aussi le jaïnisme, le bouddhisme, le sikhisme font l’objet de développements classiques, de même que les religions importées, dont surtout l’islam.
L’auteur retrace à grand trait l’histoire de l’Inde avec ses différents empires puis l’invasion islamique qui s’accompagne de la destruction de monuments hindous et enfin l’arrivée des Européens. La finalité de la domination britannique est bien décrite : produits indiens lourdement taxés à l’arrivée en Angleterre, articles venant de Grande-Bretagne facilement écoulés sur le marché indien, interdiction des usines textiles en Inde pour assurer la prospérité des cotonniers anglais, priorité accordée aux cultures d’exportation au détriment des cultures vivrières qui provoqua de nombreuses famines. Le développement de l’infrastructure est à mettre à l’actif des colonisateurs, mais ceux-ci en sont les principaux bénéficiaires. Le départ des Britanniques et la naissance de deux États, l’Inde et le Pakistan provoquent des centaines de milliers de morts et environ douze millions de personnes déplacées. Le bilan est donc lourd.
L’analyse de la période contemporaine porte sur le fonctionnement des institutions et la situation économique. Elle aborde aussi les relations tumultueuses de l’Inde avec ses voisins (Pakistan, Bangladesh, Népal, Bhoutan, Sri Lanka, Maldives, Birmanie et Chine), celles beaucoup plus cordiales avec l’URSS puis la Russie et celles en cours d’amélioration avec les États-Unis. Les problèmes sécuritaires internes sont évoqués plus brièvement sous l’angle des mouvements insurrectionnels et terroristes. La question nucléaire est largement développée et sous tous ses aspects, civils et militaires, nationaux et internationaux, politiques et techniques, opérationnels et dissuasifs, description des vecteurs, implantation des centres de recherche et des sites de lancement, avec un historique depuis l’indépendance jusqu’à la période contemporaine. C’est un point fort de l’ouvrage, ce qui ne saurait surprendre étant donné les compétences de l’auteur. Les problèmes de défense sont également abordés de manière plus générale avec mention des rôles et moyens des forces armées et de quelques forces paramilitaires et description de l’industrie d’armement. Les risques de dérapage nucléaire apparaissent possibles à l’auteur à cause du manque de fiabilité des systèmes d’alerte et du faible temps de riposte. De plus, il n’écarte pas l’acquisition d’armes de destruction massive par des groupes terroristes.
Le livre et ses diverses annexes auxquelles s’ajoutent une dizaine de cartes fort utiles fourmillent de données qui intéresseront les chercheurs universitaires, les fonctionnaires civils et militaires, les journalistes et tous ceux qui d’une manière ou d’une autre ont besoin de mieux connaître l’Inde. Devant un tel foisonnement d’informations, un index aurait été fort utile. ♦