Introduction au dossier du colloque « Européanisation de la défense : acteurs et processus », organisé par le C2SD, qui a eu lieu le 1er décembre 2008, à Paris.
L'Europe de la défense en marche
La revue Défense nationale et sécurité collective s’est, au fil de ses numéros, largement ouverte au débat sur l’Europe de la défense. Pour nos concitoyens et plus largement pour l’opinion publique européenne, les enjeux d’architecture institutionnelle sont secondaires : toutes les enquêtes montrent que dans tous les pays il y a une attente d’une action collective en matière de défense.
Face à cette attente, il a été de bon ton de dire que l’Europe de la Défense progressait trop lentement. C’était évidemment ignorer tous les pas institutionnels franchis en quelques années et oublier toutes les opérations de l’Union concrètement déployées. C’est la même tonalité pessimiste qui était largement répandue avant juillet 2008 et le début de la Présidence française de l’Union européenne (PFUE).
Cassandre prévoyait l’immobilisme en matière de défense, faute essentiellement, entendait-on, de pouvoir trouver un accord avec nos partenaires en particulier britanniques. Elle a été démentie. Le président de la République a fait de la défense une des quatre priorités de la présidence française de l’Union européenne. La feuille de route en a été construite en tirant les fruits d’une concertation intensive avec nos partenaires, lancée en amont. La réunion des ministres de la Défense de Deauville, puis la session Défense du Conseil des affaires générales ont démontré que la volonté française de relancer l’Europe de la défense était partagée par les Européens. Des décisions concrètes ont été prises.
Projets structurants
Hervé Morin et ses homologues se sont ainsi engagés sur plusieurs projets capacitaires structurants, comme le programme Musis (1) de satellites d’observation tous temps. Les décisions sur l’Agence européenne de défense (AED) et l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (Occar), les actions prises en faveur de la base industrielle et technologique de défense (BITD) ont constitué les compléments nécessaires de cette priorité capacitaire. La mise en place d’Erasmus militaire, système d’échange entre les élèves officiers des grandes écoles militaires a marqué, quant à elle, l’ouverture à un nouveau domaine : la formation des hommes et l’échange culturel. Au total, la feuille de route fixée au début de la PFUE a été remplie. En présentant le 6 janvier à At Tiri au Liban ses vœux aux Armées, le chef de l’État a pu dire que « la Présidence française a marqué une véritable relance de la défense européenne ».
Atalante
C’est un heureux symbole de ce renouveau que les ministres français et britannique de la Défense aient pu, le même jour, célébrer les dix ans des accords de Saint-Malo et inaugurer à Northwood le quartier général de l’opération Atalante (2) de lutte contre la piraterie au large de la Somalie. Atalante est en effet la première opération navale de l’Union européenne et la première opération militaire dont le commandement est assuré par la Grande-Bretagne.
Les avancées réalisées vont se décliner durant les mois qui viennent. Les présidences tchèque, suédoise puis espagnole, à leur tour, vont poursuivre la mise en œuvre des actions lancées durant la PFUE. La France, bien évidemment, en sera un acteur engagé et déterminé.
L’européanisation de la défense
Dans ce contexte, le dossier de ce numéro consacré à « l’européanisation de la défense » prend tout son sens.
D’abord parce qu’il met l’accent sur le caractère concret de l’Europe de la défense, à travers un regard sur ses acteurs et leurs processus. Comme pour d’autres politiques européennes plus anciennes, la PESD n’est plus une activité d’experts qui se déroule « ailleurs ou à côté » des vrais sujets. C’est un élément du quotidien pour chacun de ceux qui font la politique de défense et la mettent en œuvre. C’est, nous le souhaitons, un élément qui devient tangible pour nos concitoyens.
Il a également le mérite d’analyser une question clef : la nature et la diversité des missions. On sait que pour les Européens, l’attente est multiforme et embrasse un spectre large, qui va de la protection civile au règlement des crises internationales. C’est cette diversité que l’Europe doit prendre en charge. La mise à jour de son analyse stratégique et de son ambition, conduite durant la présidence française sur un modèle voisin de la démarche du Livre blanc, constitue à ce titre un acte décisif pour éclairer l’avenir et en particulier les choix capacitaires.
Acteur de premier rang de la sécurité internationale, l’Union interagit avec les autres organisations internationales. De la qualité de leur coopération dépend largement l’efficacité des opérations menées. À la relation avec l’Alliance, « alliance entre l’Europe et les États-Unis et également alliance militaire des Européens entre eux » s’ajoutent celles avec deux partenaires, l’ONU et l’Union africaine (UA), qui ont longtemps fait l’objet d’analyses moins poussées. On notera que la France a apporté avec Eurorecamp une contribution déterminante à la concrétisation de la relation de l’UE avec l’UA.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a rappelé que « la responsabilité des pays européens sur la scène internationale doit être assumée ». C’est la façon dont nous, nous mettons en état d’assumer effectivement cette responsabilité que ce dossier donne la capacité de mieux connaître et d’approfondir. ♦
(1) NDLR : voir rapport A/2025 du 3 décembre 2008 de l’Assemblée européenne de sécurité et de défense (http://assembly-weu.itnetwork.fr).
(2) Site de l’EU Navfor Somalia (www.mschoa.org/EUconcil.aspx).