Extraits du discours de M. Nicolas Sarkozy, président de la République, à la clôture du colloque de la Fondation pour la recherche stratégique sur « La France, la défense européenne et l’Otan au XXIe siècle », le 11 mars 2009. L’intégralité du discours est disponible (www.elysee.fr).
La France, la défense européenne et l'Otan au XXIe siècle
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En tant que chef des armées, et donc garant de la défense des intérêts vitaux et de la sécurité de la France, je porte la responsabilité des choix stratégiques de la Nation. Et je voudrais affirmer… que notre réflexion stratégique ne peut pas rester figée dans un monde où les conditions de notre sécurité ont radicalement changé. (…) Un concept stratégique n’est pertinent que s’il est adapté à la situation non pas que connaît notre pays, mais qu’il va connaître. (…).
(…)
D’autres menaces sont (apparues), elles sont liées à la mondialisation : terrorisme, prolifération, attaques contre les systèmes spatiaux et attaques de systèmes informatiques dont nos sociétés technologiques sont profondément dépendantes.
Les crises qui frappent le monde affectent nos valeurs, nos intérêts et la sécurité des Français.
Les compétitions pour l’accès à l’eau, à l’énergie, aux matières premières, la dégradation de l’environnement, les pandémies, les migrations non maîtrisées, sont lourdes de conséquences pour notre sécurité.
Et demain, une surprise stratégique peut venir bouleverser littéralement les conditions de notre sécurité. La crise financière mondiale illustre bien à quel point le monde peut changer radicalement, et pas forcément en bien.
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La réponse aux menaces (1)
Pour y répondre, il nous faut trois choses : une diplomatie forte, une défense forte, une Europe forte. J’ajoute des alliés sûrs.
La diplomatie forte, c’est une France qui assume ce qu’elle est et qui s’engage. Dans le monde des « puissances relatives », aucun État ne peut imposer seul son point de vue. Aucun. Et la coopération et la solidarité sont les fondements de l’action. Un État seul, une nation solitaire, c’est une nation qui n’a aucune influence. Et si l’on veut peser, il faut savoir agréger à nous des alliés et des amitiés. On l’a très bien vu en Europe.
La France s’engage, la France parle à tout le monde, la France fait bouger les lignes, la France propose et la France innove. Elle le fait en étant fière d’être ce qu’elle est, une démocratie libre, une démocratie européenne et une démocratie occidentale. La France veut la paix, la France veut la liberté. Et la France sait, aussi, qui sont ses alliés et qui sont ses amis : et je n’ai pas peur de dire que nos alliés et nos amis, c’est d’abord la famille occidentale.
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Ensuite une défense forte, ce sont des forces armées et de sécurité modernes, adaptées aux menaces actuelles. (…) Nos forces armées doivent avoir l’assurance, dans la durée, de disposer de moyens à la hauteur de notre ambition. En dépit de la crise actuelle… nous avons maintenu l’effort de défense de la France ; 377 Md€… d’ici 2020.
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Pour être forte, notre défense doit être indépendante : nous nous doterons donc de capacités autonomes de renseignement et d’alerte, de capacités de cyber défense et de forces de projection dont les équipements ne datent pas, comme c’est parfois le cas, des années 1980, pour ne pas dire des années 1970.
Il nous faut une Europe forte. Construire l’Europe de la défense et de la sécurité, c’est une priorité absolue. L’Europe doit s’affirmer comme elle l’a fait l’été dernier dans la crise géorgienne. À ceux qui défendent l’indépendance nationale — et j’en suis — je voudrais comparer ce qui s’est passé, pour l’Europe, avec la Géorgie, à ce qui s’est passé il y a quelques années, en Europe, avec la Bosnie. (…) Le problème bosniaque a d’abord été réglé par les forces américaines (alors) que le problème de la Géorgie a d’abord été réglé par la politique de l’Europe. (…).
… L’Europe est devant un choix très simple : est-ce que l’Europe veut qu’on la laisse en paix ou est-ce que l’Europe veut la paix ? Le choix est clair et on sait ce qu’il advient des continents et des pays qui ont juste comme ambition qu’on les laisse en paix : un jour, c’est la guerre qui les retrouve. Et la France a fait l’expérience cuisante de la théorie du « qu’on nous laisse tranquille ». Et nous sommes, me semble-t-il, informés par l’Histoire : nous ne pouvons pas adopter cette stratégie.
Car qu’est-ce qu’une grande puissance économique qui n’aurait pas les capacités militaires de défendre ses intérêts ? Et comment parler d’une voix de l’Europe si celle-ci se tait quand les armes parlent ?
Les Européens doivent pouvoir agir par eux-mêmes si c’est nécessaire, et avec leurs alliés s’ils le décident. Et je sais qu’avec nos alliés américains, nous sommes d’accord pour dire qu’il faut renforcer les moyens militaires européens. Et les Américains ont parfaitement compris qu’avoir des alliés faibles, cela ne sert à rien.
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En 2009, il s’agit de tirer les conséquences de la construction européenne, de nouvelles menaces et de nouvelles priorités stratégiques ; mais avec le même objectif historique : assurer la sécurité et l’influence de la France, dans le respect de notre indépendance nationale et de notre autonomie stratégique.
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On a deux piliers de notre défense, l’Union européenne et l’Alliance atlantique.
L’Union européenne
(…) L’ambition française pour la défense européenne a longtemps suscité la méfiance aux États-Unis et en Europe ; les deux. Aux yeux de beaucoup, en Europe, comme aux États-Unis, la France — en poussant l’Europe de la défense — cherchait à affaiblir le lien transatlantique et l’Alliance. Un anti-américanisme stérile renforçait trop souvent cette perception.
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Avec le Traité de Lisbonne, nous aurons un cadre cohérent en matière de défense. Quand il entrera en vigueur, le cadre institutionnel de la PESD sera consolidé pour de nombreuses années. Et c’est très bien ainsi.
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Force est de constater que derrière les progrès institutionnels, la réalité militaire n’est pas encore au rendez-vous. La priorité absolue (…) c’est de construire en Europe des capacités modernes, robustes et interopérables. (…).
Si nous ne développons pas ces capacités, l’Europe de la défense sera une défense de papier. Et tout le monde y perdra, l’Europe d’abord, mais aussi nos alliés au sein de l’Otan.
Cet objectif était au cœur de la Présidence française de l’UE. (…).
Alors quels sont ces engagements ?
Nous allons mettre en place un nouveau niveau d’ambition pour nos opérations. Il sera adapté à des situations de crise variées, à l’intérieur de l’objectif global de 60 000 hommes.
Nous aurons une capacité renforcée de planification, combinant les aspects militaires et civils ; ce que seule l’UE sait faire aujourd’hui. (…).
Nous allons renforcer nos capacités militaires : des projets ont été approuvés, ouverts à ceux qui le souhaitent, pour la projection et la protection des forces, l’information et le renseignement spatial, l’interopérabilité.
Nous avons acté que pour construire ces capacités, le cadre national n’était plus suffisant : il faut des méthodes nouvelles, mutualiser, partager les coûts et les équipements, nous spécialiser.
Nous allons créer un « Erasmus » militaire, pour la formation commune des officiers européens.
Nous avons acté qu’il faudra restructurer la base industrielle de défense, pour constituer des groupes de taille mondiale. Nous développerons les capacités clefs en Europe pour renforcer notre sécurité d’approvisionnement. Et nous allons faciliter les transferts intra-européens et l’accès aux marchés publics : je me réjouis que le Parlement européen ait adopté les deux directives dont on discutait depuis bien trop longtemps.
Nous allons stimuler l’effort de recherche de défense, c’est-à-dire l’avenir même de notre industrie, avec un objectif collectif de l’effort de défense à 2 % du PIB et un Fonds pour alimenter les projets. Les synergies entre technologies civiles et militaires seront partout recherchées.
Enfin, l’UE va s’engager dans les domaines les plus urgents de notre sécurité : des plans ont été adoptés pour la lutte contre le terrorisme, la prolifération, renforcer la sécurité spatiale, le désarmement…
Cela, c’est le plan pour l’avenir ; mais les événements de l’année dernière ont montré l’urgence d’agir tout de suite.
Face à la crise en Géorgie, nous avons déployé une opération d’observation civile qui consolide l’arrêt des hostilités. (…). Contre les pirates dans le golfe d’Aden qui attaquaient nos navires, nous avons lancé l’opération Atalante : c’est la première opération navale de l’UE, la première opération qui défend des intérêts proprement européens ; la première opération militaire de l’UE commandée par le Royaume-Uni.
Et l’on voit que, petit à petit, des tabous s’effacent et que les choses se débloquent. Ce résultat, nous le devons à l’effort de chacun, mais aussi, disons-le et regardons la situation telle qu’elle est, nous le devons au nouvel esprit qui a soufflé en Europe depuis que la France a annoncé son rapprochement avec l’Otan. Le rapprochement avec l’Otan conforte l’indépendance nationale. Notre éloignement proclamé et non réalisé avec l’Otan limite notre indépendance nationale et nos marges de manœuvre.
J’avais dit l’année dernière que ce mouvement vers l’Alliance passait d’abord par une relance de la défense européenne. Qui peut contester que c’est une réalité ?
L’Otan
J’en arrive donc à l’Otan. Je savais bien que sur ce sujet, nous allions susciter un débat en France. Quoi de plus normal dans une grande démocratie ?
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Rappelons les faits aux Français qui les ignorent, parce qu’on leur a caché les faits délibérément. Nous sommes membres fondateurs de l’Alliance atlantique, née il y a soixante ans, (et nous ne) l’avons jamais quittée ; (c’est) l’élément central de notre politique de défense et de sécurité, avec un engagement fondamental : celui de l’assistance mutuelle en cas d’agression…
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L’Alliance atlantique est aussi le symbole de la communauté de valeurs et d’intérêts transatlantiques. Le général de Gaulle lui-même définissait notre Alliance en 1966 comme « celle des peuples libres d’Occident ».
L’Alliance est aussi… un traité d’alliance entre les nations européennes elles-mêmes. 21 des 27 nations membres de l’UE sont membres de l’Alliance. (…).
Depuis 1966, la France s’est rapprochée de l’Otan par étapes, le plus souvent sans le dire.
Ainsi, des accords ont tout de suite été passés pour coordonner l’emploi de nos forces.
Pendant la crise des euromissiles, en juin 1983, le président de la République d’alors était François Mitterrand, un Conseil atlantique s’est tenu à Paris, pour la première fois depuis le retrait français. (…).
En 1992… tirant les conséquences du nouvel état du monde, nous sommes allés avec l’Otan en Bosnie, puis au Kosovo, après avec l’Otan avoir fait plier la Serbie de Milosevic, et enfin avec l’Otan nous nous sommes rendus en Afghanistan. Nous sommes devenus, nous la France, à cette époque-là, parmi les principaux contributeurs en troupes aux opérations de l’Alliance atlantique. (…). En 1993, François Mitterrand était président, nous avons recommencé à assister au Comité militaire ; et en 1996, le président était alors Jacques Chirac, nous y avons repris pleinement notre place.
Depuis le concept stratégique de 1999, nous avons soutenu et participé à la transformation de l’Alliance, qui a abouti en 2002 à d’importantes transformations. Nous participons notamment à la Force de réaction rapide de l’Otan (NRF).
En 2004… rompant avec le tabou de 1966, nous avons commencé à insérer des militaires français dans la structure intégrée : depuis lors, 2004, le drapeau français… flotte de nouveau devant le QG de l’Otan. (…). Et nous avons déjà trois états-majors français, à Lille, à Lyon, à Toulon, certifiés pour les opérations alliées.
Quant aux normes en matière d’armement, cela fait bien longtemps que toute l’industrie européenne, y compris la nôtre, applique les normes définies en commun entre les Alliés.
Il s’agit donc d’un processus continu à travers tous les gouvernements successifs, de droite ou de gauche ; un processus… qui n’a connu aucun recul. (…).
Avec tout cela, nous sommes à l’écart de la structure militaire. Pourquoi ? J’avoue ne pas entendre d’argument convaincant pour le justifier.
En revanche, les inconvénients sont évidents. Ils étaient d’ailleurs tellement évidents, que c’est ce qui a conduit Jacques Chirac et Alain Juppé à tenter l’opération de rapprochement de 1995-1996.
Les inconvénients sont d’abord les suivants : notre position n’est pas comprise de nos Alliés. Notre incapacité à assumer au grand jour notre position dans l’Alliance jette le doute sur nos objectifs. Résultat, nous avons une Alliance qui n’est pas assez européenne… et une Europe de la défense qui ne progressait pas comme nous l’espérions.
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Deuxième inconvénient : nous n’avons aucun poste militaire de responsabilité. (…). On envoie des soldats sur le terrain, on engage la vie de nos soldats, et on ne participe pas au comité qui définit les objectifs de l’Otan. Qui peut comprendre une telle politique ?
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L’intérêt de la France et de l’Europe
Le moment est donc venu de mettre fin à cette situation, car c’est l’intérêt de la France et c’est l’intérêt de l’Europe.
En concluant ce long processus, la France sera plus forte, la France sera plus influente. Pourquoi ? Parce que les absents ont toujours tort. Parce que la France doit codiriger plutôt que subir. C’est l’idée que je me fais de la France.
Parce que nous devons être là où s’élaborent les décisions et les normes, plutôt qu’attendre dehors qu’on nous les notifie. (…) Parce qu’une fois rentrés, nous aurons toute notre place dans les grands commandements alliés.
Parce qu’alors que l’Alliance va redéfinir son rôle et ses missions, nous voulons que la France pèse de tout son poids dans cette réforme. (…).
L’Europe elle-même sera plus forte dans l’Alliance. On dit l’Otan dominée par les États-Unis ; mais comment veut-on que les Européens y jouent tout leur rôle si la France reste en dehors ?
Si la France prend toutes ses responsabilités dans l’Otan, c’est l’Europe qui sera plus influente dans l’Otan ; (laquelle) ne sera pas une organisation exclusivement dominée par les États-Unis.
Le Traité de Lisbonne lui-même établit le lien entre la défense européenne et l’Alliance atlantique. Il stipule que c’est dans l’Alliance que s’exerce la défense collective des alliés. Et ce lien… a été acté en 2003, par la Convention sur l’avenir de l’Europe puis par les ministres des Affaires étrangères réunis en Conférence intergouvernementale. (…).
Enfin la défense européenne sera plus forte. Car en mettant fin à une ambiguïté sur nos objectifs, nous créons la confiance nécessaire pour développer une défense européenne forte et autonome. (…)
Je dois assumer mes responsabilités de chef de l’État et de chef des Armées, pour le bien de notre pays et de sa sécurité.
Cela posé, j’ai entendu les interrogations qui ont été exprimées. Si l’on met de côté les polémiques, une question centrale a été mise en avant : celle de notre indépendance nationale.
Sur ce point, je voudrais revenir sur les motifs exposés en 1966 par le général de Gaulle, dans le contexte qui était celui de l’Alliance atlantique de cette époque. Il s’agissait de « rendre leur caractère complètement national à nos armées », dans la ligne affirmée en 1954 quand il s’était opposé à la Communauté européenne de défense. On me dit : « Infidèle à l’héritage du général de Gaulle » (…). Aujourd’hui je plaide pour l’Europe de la défense. Est-ce que l’on est infidèle à l’idéal gaulliste de plaider aujourd’hui pour l’Europe de la défense alors que l’on était contre la CED ? Les choses ont changé. Et partant, de ne plus avoir de troupes étrangères en France et il ne fallait plus mettre de troupes françaises sous le commandement allié. (Telle était) la décision qu’il a prise en 1966.
Aujourd’hui nos forces armées sont et resteront nationales, car nos forces armées sont l’expression ultime de notre souveraineté. Nos forces armées ne seront intégrées dans aucune armée supranationale dont la responsabilité nous échapperait. Et d’ailleurs, personne n’en veut (…).
Naturellement nous allons conserver notre dissuasion nucléaire indépendante.
Nous conserverons notre liberté d’appréciation sur l’envoi de nos troupes.
Et nous ne placerons pas de contingent en permanence sous commandement allié en temps de paix.
Ces principes posés par le Livre blanc, je les ai faits miens. Et rien dans l’Otan d’aujourd’hui ne les contredit.
Notre indépendance stratégique est reconnue par les Alliés dans le « concept stratégique » de 1999. Personne n’imagine que les États-Unis ou le Royaume-Uni mettront jamais leurs armes nucléaires sous les ordres d’un comité. (…). On peut avoir un dialogue sur la dissuasion, on doit avoir un dialogue sur le désarmement, mais la décision nucléaire ne se partage pas.
Aucun processus de décision à l’Otan ne peut nous contraindre contre notre volonté ; aucun. Toutes les décisions du Conseil atlantique sont prises à l’unanimité et cela restera ainsi. À Bucarest en 2008, la France et l’Allemagne ont dit non à une accélération de l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie, honnêtement on a bien fait, or, cette accélération de la demande d’adhésion était soutenue par les États-Unis. L’Allemagne et la France ont dit non, cela a été non.
Et s’il fallait encore une preuve de notre indépendance, la révision constitutionnelle a donné des pouvoirs sans précédent au Parlement sur l’envoi de nos troupes en opération.
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Avec Angela Merkel, nous avons proposé le 4 février dernier une approche franco-allemande. Nous demandons à nos Alliés de lancer les travaux d’un nouveau « concept stratégique », dix ans après celui de 1999. (…).
Nous voulons que l’Alliance s’adapte aux nouvelles menaces. Qu’elle soit un vrai lieu de débat entre Alliés.
Nous voulons une Otan plus réactive et plus efficace.
Nous voulons qu’elle assure autant la défense collective, l’article 5, que les missions que nous conduisons dans le monde au service de notre sécurité et de la paix, conformément à la Charte des Nations unies.
Nous voulons renforcer le partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’Otan.
Nous voulons une Alliance ouverte aux nations de l’espace euro-atlantique. Mais notre Alliance n’est pas une auberge : y entrer, cela implique de partager nos valeurs, de pouvoir en assumer les responsabilités et de contribuer effectivement à la sécurité des Alliés et à la stabilité du continent.
Nous voulons d’ailleurs construire, je devrais dire reconstruire, une relation de partenariat avec la Russie, si celle-ci le souhaite, et débattre avec elle de la sécurité de notre continent. (…).
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Oui, nous sommes les alliés des États-Unis, nous sommes des amis, mais des amis debout, des alliés indépendants et des partenaires libres.
Et j’assume que dans le monde moderne, on doit pouvoir changer des décisions prises il y aura bientôt cinquante ans. Faudrait-il au nom de l’héritage gaulliste, renoncer au Traité de non-prolifération que de Gaulle rejetait ? (…). Faudrait-il refuser que nos amis allemands stationnent un régiment en France, comme nous l’avons demandé… à Angela Merkel ? Faudrait-il ne rien toucher à nos accords de défense avec l’Afrique et y conserver des bases parfaitement obsolètes ?
Nous poursuivrons avec tous les pays du monde un dialogue spécifique, conforme à nos intérêts. La France le fait avec la Russie et j’ai cru comprendre… que lorsque nous discutions à Moscou cet été, ce n’était pas exactement le souhait des États-Unis. Et quand nous avons invité… la Syrie en renouant le dialogue, est-ce que la France a fait preuve d’indépendance ? (…).
Quant à l’Alliance atlantique, elle ne fait pas la « guerre des civilisations ». C’est l’Otan qui a volé au secours des musulmans de Bosnie et du Kosovo, c’est une vérité, elle est historique, chacun peut la constater, contre l’agression de Milosevic. Et c’est l’Otan qui défend le peuple afghan contre le retour des taliban et d’Al-Qaïda. (…).
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Le 17 mars, notre débat national va se conclure au Parlement.
La rénovation de nos relations avec l’Otan n’est pas une question isolée. Elle est un élément, parmi d’autres, d’une politique étrangère et européenne, et d’une politique de défense et de sécurité.
Je souhaite que la représentation nationale s’exprime sur les choix qui ont été faits depuis le printemps 2007. C’est pourquoi le Premier ministre a été autorisé, ce matin, par le Conseil des ministres à engager la responsabilité du gouvernement sur l’ensemble de notre politique étrangère. Car, vous avez bien compris que ce processus de rapprochement avec l’Otan n’est qu’une pierre dans un processus plus vaste qui vise à conforter et à développer l’indépendance de la nation.
Nos Alliés et nos partenaires européens y seront attentifs. Je suis convaincu que ce débat sera digne de notre pays et des enjeux de notre défense, comme celui qui a porté sur le Livre blanc en juin dernier. Et je fais toute confiance au Premier ministre pour porter les éléments de la politique étrangère de la France.
Après avoir pris connaissance du résultat du débat, j’écrirai à nos Alliés pour les informer de ma décision. Nous nous retrouverons ensuite à Strasbourg et Kehl, sur le Rhin. Le Rhin fut longtemps symbole d’affrontement, il sera symbole de la réconciliation franco-allemande. Angela Merkel et moi y accueillerons le Sommet du 60e anniversaire de notre Alliance.
Ce sera, j’en suis convaincu, un grand moment d’amitié franco-allemande, d’unité européenne et de partenariat transatlantique. (…).
Et la France, parce que c’est son intérêt et parce que c’est son choix, occupera toute sa place dans ce partenariat transatlantique. Allié libre, allié solidaire, allié indépendant et allié engagé.
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(1) Les intertitres sont de la revue Défense nationale et sécurité collective.