Les Guerres modernes racontées aux civils… et aux militaires
Directeur de séminaire au CID, journaliste indépendant et consultant « Défense et Stratégie », Pierre Servent nous livre sur les guerres modernes, et accessoirement le monde militaire hexagonal, une analyse pertinente qui mérite notre attention.
Son appréciation des conflits actuels ne déroutera pas le professionnel ou l’amateur éclairé. La clarté de l’écriture met l’ouvrage à la portée de tous. En gros les guerres modernes sont asymétriques et mettent le soldat occidental dans une situation tactique, physique et morale très difficile, voire infernale. Sans pour autant que l’opinion publique en perçoive la redoutable réalité, masquée par un déni de la guerre jusque dans les cercles les plus élevés du pouvoir. Cette grosse partie de l’ouvrage est remarquablement illustrée par des exemples souvent très forts, de nature à bien éclairer le sujet, puisés dans les affrontements de ces vingt dernières années. Sont passés en revue les Balkans, l’Irak et l’Afghanistan, l’Afrique et l’épouvantable drame des grands lacs.
Grâce aux témoignages de première main que lui permet sa proximité avec les armées, l’auteur sait être incisif sans provocation gratuite. Il y a donc le mélange d’une grande liberté de ton. Elle est bienvenue dans le domaine opaque des affaires militaires, avec cependant quelques traces d’explications « au goût du jour », à commencer par ce perpétuel recourt facile à « l’asymétrie » pour expliquer quelques faillites retentissantes.
La partie, peut-être la plus neuve, est celle consacrée au système militaire français et ceux qui le servent. Ses forces et ses faiblesses. Ses non-dits et ses écrans de fumée. Ses rapports difficiles avec une opinion qui ne le comprend pas ou plus généralement l’ignore. Ses profils humains et professionnels particuliers : « Au sommet les très bons sont très très bons, les très mauvais très très mauvais ». Sa difficulté enfin à s’affranchir du poids de l’histoire, notamment auprès d’une opinion publique qui, dans son inconscient collectif et donc le jugement qu’elle porte sur son armée, n’oublie pas l’étendue des désastres passés.
Au total un ouvrage décidément bienvenu, sans concession mais aussi exempt de mauvais procès et de langue de bois. L’exercice est suffisamment rare dans ce type de littérature, parfois convenue, souvent partiale voire résolument à charge, pour ne pas souligner l’intérêt de sa lecture. ♦