Un dimanche dans le RER D
Le titre cadre bien le sujet, mais le lecteur découvre que le fait lui-même, ce meurtre à coups de couteau d’une jeune femme, Anne-Lorraine Schmitt, par un récidiviste, en plein jour, dans un transport public, ne tient que la place d’une présentation, le dixième de l’ouvrage (un peu plus si on intègre les suites immédiates et le traumatisme subi par la famille sous l’œil pesant et indiscret des médias). Rien à voir donc avec les récits d’enquêtes criminelles proposés parfois par la télévision, et cela d’autant plus que le coupable fut rapidement identifié et arrêté et que les investigations furent par conséquent réduites à peu de chose. La personnalité des auteurs de l’ouvrage garantissait d’ailleurs un souci de discrétion, évitant de saisir l’occasion de remonter à Laetitia Toureaux et autres épisodes sulfureux. Il est certain en tout cas qu’Anne-Lorraine s’est défendue avec vigueur, est même parvenue à blesser sérieusement son agresseur et a « choisi la mort plutôt que la souillure ».
Le principal du livre réside dans un mémorial, établi à partir des nombreux témoignages recueillis auprès des proches, amis et condisciples. Il s’en dégage le portrait élogieux et attachant d’une fille rayonnante, douée d’une forte personnalité, d’autorité naturelle et d’esprit critique, capable en même temps d’originalité, voire de fantaisie, dans les strictes limites d’une morale rigoureuse et d’une foi chrétienne inébranlable.
Ces convictions, ces vertus ont été inculquées et entretenues par une famille unie, solidaire, profondément croyante, ancrée dans le milieu militaire traditionnel. Dancourt et Pons nous plongent dans un univers hautement respectable de pèlerinages, de chapelets et de casoars, à l’évidence sinon opposé, du moins éloigné des mœurs de certaines autres couches de notre actuelle société. La malheureuse Anne-Lorraine peut dès lors apparaître à des regards malveillants comme « une bourge », la représentante d’un courant « catho-tradi-réac ». Il est très délicat, et au risque de frôler l’injustice, d’écrire que l’œuvre pie que nous lisons pourrait laisser à penser que le crime est d’autant plus odieux qu’il a touché une personne exemplaire au seuil d’une brillante trajectoire professionnelle et familiale. Pourtant, le misérable Deve-Oglou n’a sans doute pas procédé à une analyse approfondie des facteurs !
Il importe donc d’éviter toute « tentative de récupération ». Bien sûr, ce drame réveille les débats sur le fonctionnement de la justice, la récidive, la peine de mort… et aussi sur le pardon. Puisse ce livre aider dans ses efforts un père qui, dans l’attente interminable du procès, déclare écarter le « sentiment de vengeance », mais entend qu’un forfait aussi révoltant ne tombe pas dans l’oubli et le fatalisme. ♦