En 1995, tous les pays, à l’exception de l’Inde, d’Israël et du Pakistan, avaient adhéré au Traité de Non-Prolifération (TNP), les uns parce qu’ils le jugeaient conforme à leurs intérêts, les autres sous la pression des deux superpuissances. Un autre problème se posait cependant depuis le milieu des années 70, celui de faire appliquer le traité par ses signataires. Un nombre d’infractions non négligeable a été enregistré, dans les années 80 et 90, mais jusqu’à une époque récente, les États-Unis et l’URSS étaient parvenus à les réprimer et à empêcher les fraudeurs d’arriver à leurs fins. Plus récemment au contraire, les crises nord-coréenne et iranienne semblent montrer que les grandes puissances n’ont plus les moyens d’imposer leur politique, ou d’y rallier une majorité d’États, cependant que l’ONU est paralysée.
La non-prolifération dans l'impasse
Non-proliferation in deadlock?
In 1995 all countries, with the exception of India, Israel and Pakistan, signed the Nuclear Non-Proliferation Treaty (NPT); some because it was in their interest and others under pressure from the superpowers. Since the mid-1970s, a further problem has been how to make the signatories put the treaty into practice. A not insignificant number of breaches were noted in the 1980s and 1990s, but until recently the United States and the former Soviet Union were able to crack down on them and prevent the non-compliant countries from achieving their aims. More recently, the crises in North Korea and Iran seem to show that the great powers no longer have the means to impose their policies on others, or to get a majority of countries on their side. Meanwhile, the UN is at a standstill on the issue.
Le système de non-prolifération mis au point à la fin des années 60 permet aux cinq États dotés d’armes (1) de proclamer que leurs arsenaux les protègent contre toutes les menaces, quelles qu’en soient la nature et l’origine, tout en interdisant aux autres pays d’en acquérir. Il apparaît ainsi comme un moyen de perpétuer la domination de cinq grandes puissances, qui considèrent en effet leur armement comme un symbole de puissance, de prestige, et surtout de supériorité. Pourtant, un bon nombre de pays lui ont d’emblée réservé un accueil favorable parce que, depuis longtemps, ils jugeaient leur sécurité mieux assurée si leurs voisins n’avaient pas d’armes que si eux-mêmes s’en procuraient. Ils estimaient en outre que les arsenaux nucléaires font peser un risque inacceptable sur la sécurité du monde. C’est ainsi que l’Irlande, les pays scandinaves, le Mexique, et d’autres, avaient déposé à l’ONU, dès 1958, un projet de traité interdisant la production des armes nucléaires, à une époque où les États-Unis et l’URSS n’y étaient pas favorables. Ces États ont évidemment été les premiers signataires du TNP, et à ce premier groupe se sont ajoutés des pays qui pensaient n’avoir jamais les moyens de se procurer des armes, et n’en voyaient pas l’utilité. Parmi eux, l’Irak, l’Iran, la Syrie essayeront plus tard, tout comme la Libye, d’échapper aux contraintes que leur signature leur impose. Tous ces pays ont été rejoints par les États d’Europe de l’Est, qui se sont alors, dès 1968, conformés aux vœux du Kremlin.
Dans d’autres États, les nationalistes, partisans de l’arme nucléaire, l’ont d’abord emporté, et ont essayé de maintenir l’option nucléaire militaire ouverte, malgré les pressions des deux superpuissances. Cela a été le cas de la Suisse et de la Suède, par exemple, qui ont poursuivi des programmes nucléaires clandestins plusieurs années après avoir adhéré au traité. C’est aussi le cas de la République fédérale d’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, qui n’ont pleinement adhéré au TNP qu’à la fin des années 70. Pendant longtemps, des opinions favorables à l’armement nucléaire y ont été exprimées publiquement par des personnalités exerçant des fonctions officielles importantes. Le changement ne s’est produit qu’au milieu des années 70, lorsqu’une très grande partie de l’opinion est devenue farouchement hostile à l’énergie nucléaire en général, et à ses applications militaires en particulier.
Le cas du Japon, seul pays qui ait été victime de la bombe, est à cet égard un peu spécial. Depuis 1945, l’opinion publique est en grande majorité hostile à l’armement nucléaire, et la loi fondamentale sur l’énergie atomique, adoptée le 19 décembre 1955, précise que « la recherche, le développement et l’utilisation de l’énergie atomique seront limités à ses utilisations pacifiques ». Cependant, une frange nationaliste, peu nombreuse, mais très influente sur le plan politique et dans les milieux d’affaires, s’est toujours efforcée de préserver l’avenir. Régulièrement, des personnalités importantes affirment que le Japon ne doit pas exclure la possibilité d’un programme nucléaire militaire. C’est ainsi qu’à la fin des années 70, a été lancée la construction d’une usine d’enrichissement de l’uranium par centrifugation, et d’une grande usine de séparation de plutonium. Actuellement, le Japon aurait par conséquent, s’il le décidait, les moyens de fabriquer une bombe dans des délais assez courts.
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