Si le Kosovo (10 877 km²), proclamé indépendant le 17 février 2008, est officiellement défini par l’Union européenne (UE) comme candidat potentiel à l’adhésion, l’implication de cette dernière dans le pays, principalement à travers la mission Eulex (European Union Rule of Law Mission in Kosovo), est toujours soumise à controverse. La réflexion qui suit porte sur la nature exacte de la relation entre le nouvel État et l’UE ainsi que sur le processus d’adhésion du Kosovo à l’Union. Elle est fondée sur une enquête de terrain.
À quand le Kosovo dans l'Union européenne ?
Si, pour certains, l’Union a brillé par son absence pendant la guerre du Kosovo (1999), elle semble depuis avoir lentement, mais sûrement, investi le paysage kosovar par le biais de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD).
En mai 1999, l’Union pose les bases d’une politique de rapprochement avec le Kosovo. En avril 2005, elle affirme la vocation européenne du pays et, dès le mois de décembre 2007, déclare vouloir aider à la définition du nouveau statut de ce qui était encore une province serbe. L’aide financière apportée par la Commission européenne depuis la fin du conflit s’élève à 2 milliards d’euros, faisant de l’UE le premier donateur dans le pays. La Conférence des donateurs pour le Kosovo qui s’est tenue le 11 juillet 2008 à Bruxelles a permis de récolter quelque 1,2 milliard d’euros pour la période 2009-2011. Sur le terrain, la présence européenne est relayée au travers de trois entités : une entité politique, le Représentant spécial de l’UE (RSUE), qui aide les autorités kosovares à respecter leurs obligations et à promouvoir les valeurs européennes ; le Bureau de la Commission européenne, mis en place en 2004, qui appuie les efforts de réforme à long terme déployés par le Kosovo en vue de concrétiser ses ambitions européennes ; enfin, la mission civile européenne, Eulex, chargée d’assister les autorités dans le secteur plus vaste de l’état de droit (police, justice, douanes).
À Pristina, la capitale, les fonctionnaires européens restés durant le mois d’août travaillent à la reconstruction du pays dans leur quartier général hautement surveillé et entouré de grillages. Quelques 4x4 siglés « Eulex » circulent lentement dans les rues calmes. Sur les murs décrépis des maisons, des graffitis « Eulex made in Serbia » interpellent. L’ambiance est clairement hostile à la présence de celle-ci, à en juger l’amalgame entre l’ennemi serbe et la mission européenne. Dans un article, le journaliste croate Drago Hedl rapporte ainsi que désormais, la « vraie menace » pour les Kosovars n’est plus serbe, mais européenne (1). Ce climat particulièrement tendu a dégénéré, mardi 25 août, lorsque des militants du mouvement Vetëvendosje (« Autodétermination ») ont renversé et saccagé vingt-cinq véhicules Eulex en signe de protestation contre la signature d’un protocole d’accord sur la lutte contre le crime organisé entre la mission européenne et la Serbie. Un des responsables du mouvement a expliqué ce dérapage en fustigeant Eulex : « La manifestation ne visait pas qu’à dénoncer ce protocole d’accord. Ce dernier n’est qu’un symptôme, la maladie c’est la présence d’Eulex. Eulex en appelle au respect de la loi, mais les membres de la mission et leurs familles sont au-dessus des lois » (2). Une autre initiative appelée Fol’08 (www.fol08.wordpress.com), en référence à la déclaration d’indépendance, relaie également une opinion très critique face à l’importante présence internationale au Kosovo. Ce collectif citoyen et indépendant entend lutter contre la mauvaise gouvernance, les abus de pouvoir et plus généralement la passivité de la population vis-à-vis de la gestion du mouvement de reconstruction du pays.
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