La conduite d’opérations de contre-insurrection impose au XXIe siècle des contraintes diverses qui interdisent au militaire de la gérer seul. La mise en œuvre de compétences civiles doit donc compléter l’action purement sécuritaire. Or, cela soulève des problèmes de prérogatives et de choix dans la définition d’une structure de commandement. Ainsi malgré la réussite avérée de l’unification de l’action opérationnelle sous l’égide du militaire, cette possibilité semble souvent incongrue aux cercles décisionnels contemporains. Les militaires et civils doivent donc évoluer pour accepter cette idée, ce qui signifie en France de dépasser définitivement le traumatisme ancien hérité des années 60.
Une nécessité complexe : la place des civils en contre-insurrection
Comme l’affirmait en 1952 le général britannique Sir Gerald Templer, nommé Haut-commissaire en Malaisie pour y affronter l’insurrection communiste, « toute position considérant le travail normal du gouvernement civil et l’action [militaire] d’urgence comme deux choses différentes doit être combattue pour le bien commun. Ces deux activités sont complètement et étroitement intriquées » (1).
À l’instar de cette réflexion, la majorité des conflits du XXe siècle ont permis de dégager quelques principes de contre-insurrection dont l’idée centrale est qu’une solution purement militaire ne peut en aucun cas mener au succès (2). Ainsi est-il maintenant communément reconnu que si l’action militaire est indispensable à l’établissement des conditions de sécurité nécessaires à toute démarche de reconstruction, de développement, et donc à terme d’évolution vers une sortie de crise, elle ne saurait en aucun cas être suffisante. Ce volet des opérations doit donc être développé en synergie avec des actions civiles et politiques déterminées, chacune des trois alimentant les autres et s’appuyant sur elles. Or, l’organisation et la mise en œuvre d’une telle stratégie globale nécessitent la mise en place d’une structure de commandement et de coordination adaptée, ce qui n’est pas sans créer de problèmes de prérogatives et de positionnements respectifs, plus particulièrement dans les démocraties occidentales. À ce titre, la France offre une illustration intéressante des blocages provoqués par le dénouement de la guerre d’indépendance de l’Algérie dans sa conception de la relation civilo-militaire.
L’implication civile pour accompagner l’effort militaire
Dans le passé, le soldat a toujours dû savoir être agriculteur, instituteur, administrateur civil ou encore juge — particulièrement dans les armées des nations coloniales — et ce souvent avec un certain succès. Ainsi les sections administratives spéciales (SAS) en Algérie et le programme américain CORDS (Civil Operations and Rural Development and Support) au Vietnam peuvent-ils être réellement considérés comme des modèles de réussite d’administration civile et de développement menés par des militaires. Cependant, cette situation ne doit plus être considérée comme satisfaisante à l’échelle de la construction d’un État, à une époque ou contrôles stricts et judiciarisation de la vie publique sont les règles et tandis que les pouvoirs politiques sont soumis à une pression médiatique permanente. Il n’est donc plus dans les attributions, ni dans les capacités des militaires de mettre en œuvre des actions civiles et politiques de grande envergure ou dans le long terme. De plus, une telle situation n’est plus souhaitable alors que le soutien de l’opinion publique est impératif et plus facile à obtenir en affichant une action résolument interministérielle et non pas uniquement militaire.
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