De l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine la puissance militaire a toujours reposé sur le progrès technologique. Or, aujourd’hui, les conflits dans lesquels les forces occidentales sont engagées mettent en évidence un certain manque d’efficacité de l’action militaire, alors que le différentiel technologique en leur faveur est considérable. La place excessive prise par la technologie dans la stratégie moderne est régulièrement incriminée, il s’agit toutefois d’un procès qui se trompe de cible. La technologie doit être au service de l’action militaire. Il revient au militaire de préciser les techniques dont il a besoin. Cette formulation indispensable repose sur une connaissance scientifique dont l’enseignement est nécessaire dans les écoles de formation militaire supérieure. Il convient désormais de redonner à la science la place qu’elle mérite dans nos centres d’enseignement et de réflexion stratégique.
D'esprit et de technologie…
Les difficultés des forces militaires occidentales, principalement des États-Unis en Irak et en Afghanistan, le succès des milices du Hezbollah sur Tsahal au Liban sont autant de situations pour lesquelles se pose immanquablement la question de l’adaptation d’une armée moderne aux crises et conflits contemporains. La tentation est grande d’incriminer l’excès de sophistication de nos systèmes d’armes et la primauté de la technologie sur l’humain dans nos stratégies militaires. C’est oublier un peu vite que la technologie et la guerre sont étroitement liées depuis longtemps, nulle stratégie aussi brillante soit-elle ne s’est construite par le passé en faisant abstraction du progrès technique. C’est oublier aussi que l’essence même de nos sociétés occidentales est la technologie ; elle est le fondement de notre mode de vie et nous a permis d’accéder à un niveau de vie envié et recherché par beaucoup d’autres pays dans le monde. L’opposition entre la technologie et l’esprit est stérile, ce n’est pas elle qui permettra la renaissance de la pensée stratégique française. Bien au contraire, si cette dernière doit survenir, elle ne sera possible que si nos stratèges parviennent à mettre en harmonie la connaissance de l’humain avec la connaissance technique.
La guerre est historiquement technologique
S’il est difficile de dater le premier usage d’un outil dans un but belliqueux, l’évolution du combat entre des êtres humains est étroitement liée, dans l’histoire, à l’évolution de la technique. La démonstration de l’importance prise par les innovations technologiques sur une base chronologique a déjà été faite à maintes reprises dans la littérature. William MC Neill (1), professeur émérite à l’Université de Chicago a montré comment l’armement dans sa quête permanente de performance et d’efficacité a façonné l’économie des sociétés, et cela indépendamment de la région concernée. L’historien allemand Hans Delbrück (2), a quant à lui détaillé sans complaisance et avec de solides références historiques les liens entre la société, la guerre et la technologie. En France, le général Alain Bru a produit une encyclopédie en trois volumes sur l’histoire de la guerre et de l’armement, malheureusement non publiée à ce jour, dans laquelle il décrit minutieusement, époque par époque, les évolutions comparées des sociétés, des armements et des stratégies militaires. Le propulseur, la fronde, le javelot, l’arc, le glaive, le bouclier, la lance, l’étrier, le char, l’épée, l’armure, la poudre, le canon, le mousquet, la baïonnette, le canon rayé, la machine à vapeur, l’aéronef, l’énergie atomique, le radar, la fusée, l’ordinateur, le satellite… ; autant d’inventions qui ont jalonné l’Histoire, façonnant à chaque époque l’art de la guerre et modifiant le fonctionnement des sociétés.
Les avancées apportées par ces nouvelles technologies se sont bien sûr traduites en avantages tactiques sur le champ de bataille, donnant la supériorité, et bien souvent la victoire, au camp qui la détenait.
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