L’Amérique et l’Otan ont déjà perdu la guerre en Afghanistan, selon l’auteur. Les conditions et les limites d’un retrait doivent être envisagées alors que le corps expéditionnaire est encore crédible. Différentes constatations amènent à penser qu’en y mettant le prix un redéploiement en Asie centrale serait non seulement possible mais aussi judicieux.
Pour un redéploiement de l'Otan en Asie centrale
Connaissez-vous la path dependency ou « dépendance à la trajectoire » ? Pour en avoir fait fi, l’Amérique et l’Otan ont déjà perdu la guerre en Afghanistan. Selon ce concept, l’évolution présente d’un pays serait influencée par des épisodes antérieurs de son histoire qui l’installeraient sur une orbite dont il ne pourrait guère s’écarter. Il a fallu l’influence du général David Petraeus pour mener en Afghanistan, à partir de 2007, c’est-à-dire trop tard, la guerre qui convenait en tenant compte de la « trajectoire » des Pachtouns : ces derniers, épris de vengeance dès lors qu’on les attaque et qui ont déjà eu raison des Britanniques et des Soviétiques aventurés sur leur territoire, ne seront pas réduits par les armes. Leur petit peuple d’à peine 30 millions d’individus (1), bien retranché dans ses montagnes, uni par une foi islamique exigeante et le code social du pachtounwali, sait que, chez lui, il peut venir à bout des Américains et autres Occidentaux. Il s’agit pour les Pachtouns d’aujourd’hui de renouer avec la glorieuse tradition de leurs pères, d’autant plus impérieuse que le souvenir de leurs faits d’armes contre les Soviétiques est encore dans toutes les mémoires.
Face à une vendetta impitoyable qui dédaigne les souffrances et pertes endurées, une sortie de guerre « la tête haute » de l’Otan doit être envisagée pendant qu’il est encore temps. Elle s’effectuerait dans les deux ou trois ans qui viennent, c’est-à-dire avant que la nasse d’une insurrection généralisée ne se referme sur le corps expéditionnaire (2).
Que cette sortie de guerre revête la forme d’un retrait jusqu’en Amérique ou en Europe est impensable : la perte de prestige pour l’Otan serait telle, notamment dans le monde musulman, qu’elle signifierait la mort de cette organisation. Du même coup, les Occidentaux perdraient pied dans des zones stratégiques essentielles comme la péninsule indienne, le Moyen-Orient ou l’Asie centrale. Enfin, ne plus agir dans la zone Afpak (Afghanistan-Pakistan) signifierait son abandon à un trafic de drogues qui ronge littéralement l’Occident, de l’Europe — Russie comprise — aux États-Unis.
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