Géographie et stratégie générale en Méditerranée occidentale
Hier encore, la Méditerranée occidentale ne passait guère aux yeux de l’opinion française que pour un lieu de rencontre de routes destinées à servir de préférence nos intérêts européens. Commerciales, ou bien politiques et militaires, la fonction essentielle de ces routes paraissait être de conduire dans les ports métropolitains un certain nombre de matières premières, particulièrement indispensables en temps de guerre, comme le fer d’Algérie ou le pétrole de l’Iraq, comme le caoutchouc et l’étain de Malaisie ; dès la déclaration des hostilités, elles assuraient le passage des troupes africaines en France, elles ravitaillaient ensuite ces troupes en combattants comme elles ravitaillaient l’arrière et les usines en travailleurs manuels.
Géographie et histoire n’avaient-elles pas d’autre part façonné l’Afrique du Nord en serviteur de la métropole ? La localisation des terres les plus fertiles dans la zone littorale, la concentration de la vie urbaine et des affaires dans les ports maritimes, le tracé d’un réseau ferré et routier conçu pour drainer vers ces ports les richesses de l’intérieur, tout jusqu’au mode de répartition des garnisons concourait à réserver les forces vives du pays à l’usage de la France comme à subordonner ses intérêts aux nôtres. Ce préjugé a été si fortement enraciné qu’aujourd’hui encore certains propagandistes de l’équipement industriel de l’Algérie songent peut-être moins à doter celle-ci de moyens de défense autonomes qu’à soustraire avec plus de certitude au danger aérien un outillage destiné à fabriquer du matériel de guerre pour les champs de bataille européens.
L’opinion britannique, accoutumée à penser en termes impériaux, avait sans doute un sentiment plus vif que le nôtre de la réciprocité des liens noués à travers la Méditerranée entre la métropole et ses possessions lointaines ou ses dominions. Néanmoins elle voyait, elle aussi, dans cette mer une route du trafic et de la politique, à laquelle d’autres routes pourraient se substituer à la rigueur dans un péril pressant, pour continuer à entretenir tant bien que mal les relations nécessaires avec l’Océan Indien, les mers de Chine et l’Australie. Les événements de ces dernières années appellent une révision fondamentale de ces conceptions.
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