Assemblée européenne de sécurité et de défense - L'Union européenne et les missions de maintien de la paix des Nations unies
L’Assemblée européenne de sécurité et de défense (AESD) a récemment adopté un rapport intitulé « L’Union européenne et les missions de maintien de la paix des Nations unies » (document 2049), présenté par Mme Ine Aasted-Madsen (Pays-Bas, Groupe fédéré) et M. René Rouquet (France, Groupe socialiste).
Les rapporteurs constatent que, depuis le début des années 90, le nombre des opérations internationales de maintien de la paix sous mandat des Nations unies ne cesse de croître. Le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU (DOMP/DPKO) doit donc faire face à une charge de travail en constante augmentation. Ces opérations, qui mobilisaient environ 25 000 hommes dans les années 1995, nécessitent aujourd’hui des effectifs records de l’ordre de 100 000 hommes.
Depuis la mise en place de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) (1), l’UE a conduit six opérations militaires sous mandat des Nations unies (2). Les rapporteurs relèvent que les États membres de l’UE financent près de 40 % du budget des Nations unies, mais fournissent moins de 2 % des troupes déployées en Afrique. Bien que l’UE ait récemment assuré davantage de missions sous mandat de l’ONU, les opérations conduites par l’ONU sont généralement composées d’effectifs de pays n’appartenant pas à l’UE.
L’ONU et l’UE se sont rapprochées institutionnellement ces dernières années. Leurs liens ont pris de l’importance au moment du lancement de la première mission de PESD (Artemis-Congo) et de la signature de la première déclaration commune en 2003. L’UE s’engageait alors à soutenir l’ONU et à coopérer avec elle. Depuis lors, l’UE et les Nations unies ont pris des initiatives pour la mise en œuvre de ces engagements.
Les rapporteurs relèvent cependant quelques difficultés dans la mise en œuvre de la coopération entre les deux organisations, notamment au niveau des méthodes de financement, du découpage des phases de planification ou de la logistique des opérations menées respectivement par l’ONU et l’UE.
Le rapport de l’AESD se concentre sur deux missions militaires majeures de l’UE : EUFor Tchad/RCA et EUFor Althea.
• EUFor Tchad/RCA a été déployée du 15 mars 2008 au 15 mars 2009, puis elle a été remplacée par une force des Nations unies, la Minurcat II. EUFor Tchad/RCA est un exemple réussi de soutien de l’UE à l’ONU, sous la forme d’une mission relais (bridging mission). Pendant la durée de son mandat, EUFor Tchad/RCA a rempli sa mission, qui était de contribuer à la protection des réfugiés et personnes déplacées, de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et de contribuer à la protection du personnel des Nations unies. L’Assemblée recommande notamment « d’encourager le commandement de l’opération Minurcat II à tirer les enseignements de la mission EUFor et à suivre les pratiques de celle-ci concernant la communication avec les villages et les camps de réfugiés et le maintien d’une présence visible et rassurante ».
• La Bosnie-Herzégovine est un autre exemple intéressant de coopération réussie entre l’ONU et l’UE en vue de stabiliser ce pays. Actuellement, l’Union continue à conduire simultanément deux missions dans le pays : une mission militaire, EUFor Althea, et la Mission de police (MPUE). L’UE a su y relever les principaux défis liés à la gestion et à la coordination de nombreuses missions qui se déroulent simultanément (UE, ONU, Otan, OSCE). Cependant, la situation politique reste tendue. Dans leur majorité, les principaux acteurs internationaux ont exprimé le souhait de supprimer la fonction du Haut Représentant (OHR), qui détient actuellement l’autorité exécutive sur le pays, et de transférer ses pouvoirs aux autorités bosniennes. Mais jusqu’à présent, ces dernières n’ont pas rempli les conditions qui permettraient la fermeture du bureau du Haut Représentant, et le mandat d’EUFor Althea (maintenir un climat de sécurité dans le cadre de l’accord de paix de Dayton et soutenir l’action de l’OHR) a été reconduit jusqu’à la fin de l’année 2010.
La Commission de défense de l’AESD a effectué une mission d’information en Bosnie-Herzégovine en octobre dernier. Pour l’avenir, en se référant à l’avis du commandant de l’EUFor, les rapporteurs estiment qu’il conviendrait de transformer l’opération actuelle en mission non exécutive se concentrant sur l’entraînement et le renforcement des capacités, tout en intensifiant la collaboration avec l’Otan. Cette option permettrait de réduire de 80 % les effectifs déployés pour ne conserver environ que 200 hommes en Bosnie-Herzégovine. Cette mission aurait un mandat de deux ans et serait chargée de tâches d’entraînement et de conseil pour les opérations de déminage et de destruction d’armes et de munitions.
Mais le Conseil de mise en œuvre de la paix (PIC) (3) a récemment exprimé sa profonde préoccupation face à l’insuffisance des progrès accomplis par les autorités bosniennes en vue d’atteindre les objectifs qui permettraient de fermer le bureau du Haut Représentant. La décision de prolonger le mandat de l’EUFor Althea et de ne pas fermer l’OHR est fondée sur le fait que les autorités bosniennes, en particulier celles de la Republika Srpska, n’ont pas fait les efforts nécessaires pour atteindre les objectifs et les conditions préétablis.
L’instabilité politique perdure en Bosnie-Herzégovine, et s’aggrave même, avec le maintien de la prépondérance des mouvements ethno-nationalistes dans la vie politique du pays. Par conséquent, l’Assemblée recommande aux États membres de l’UE « d’intensifier leurs efforts en vue d’instaurer des liens plus étroits entre la Republika Srpska, la Fédération de Bosnie-Herzégovine et le gouvernement central afin d’apporter au pays davantage de stabilité et de sécurité et d’apaiser les craintes à l’égard d’une sécession de la Republika Srpska et des pressions exercées dans ce sens ».
En outre, l’Assemblée européenne de sécurité et de défense recommande aux États membres de l’UE de réexaminer le principe de sélection de la nation cadre et le rôle de cette dernière à la suite des grandes difficultés rencontrées lors de la phase de génération de forces et de prendre les mesures nécessaires pour que l’Union européenne dispose d’une capacité de planification et de commandement des opérations réellement permanente et réactive. ♦
(1) La PESD du Traité de Nice est devenue la PSDC (Politique de sécurité et de défense commune) dans le Traité de Lisbonne.
(2) Artemis (Congo, 2003) ; Concordia Fyrom (Macédoine, 2003) ; EUFor Althea (2004) ; EUFor RD (Congo, 2008) ; EUFor Tchad/RCA (2008) ; EUNavfor Somalia, Atalanta (2008).
(3) PIC : Peace Implementation Council.