Le concept de condition militaire, apparu dans le courant des années 60, recouvre l’ensemble des droits et obligations communes à ceux qui exercent l’activité militaire, ainsi que les contreparties de toute nature qui leur sont attachés. Créé par le statut général des militaires de 2005, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) s’efforce d’en avoir la vue la plus objective possible. Les sujétions les plus lourdement ressenties résultent de la déclinaison du principe de disponibilité et de ses conséquences sur la mobilité, l’emploi du conjoint ou l’accession à la propriété. Très diverses, les contreparties, qu’elles soient financières, sociales ou statutaires, distinguent souvent les militaires des autres catégories d’agents publics ou de salariés.
La condition militaire aujourd'hui
The position of the military today
The concept of military conditions of service, which took shape in the 1960s, covers the range of rights and obligations of those who carry out military duties, as well as the benefits accruing from them. The high committee for the evaluation of the military condition (HCECM) was set up under the general statute for military personnel in 2005 and strives to take the most objective view possible of the subject. The most serious constraints felt by military personnel result from the principle of deployability and its consequences in terms of mobility, spouses’ employment opportunities and property ownership. The very varied rewards, whether financial, social or statutory, often set military personnel apart from other categories of public officials or employees.
Nous autres soldats, nous sommes comme des manteaux. On se souvient de nous quand vient la pluie… Cette formule du maréchal de Saxe traduit bien un sentiment que nombre de militaires ont éprouvé au long des derniers siècles : celui de ne pas être suffisamment considérés, de ne pas être à leur juste place au sein de la société. Évoquer la condition militaire aujourd’hui suppose d’abord de réfléchir à sa définition, d’en cerner les contours et de préciser les usages qui peuvent en être faits. Cela conduit ensuite à en examiner plus objectivement le contenu avant de tenter de l’évaluer, telle qu’elle est aujourd’hui.
La lente évolution du concept de condition militaire
La place des militaires au sein de la société française a notablement évolué au fil de notre histoire, les périodes durant lesquelles ils étaient l’objet des plus grandes attentions de la part de l’État alternant, souvent de façon brutale, avec des périodes de moindre intérêt. Le concept de condition militaire est apparu après 1945 dans un contexte récurrent de « malaise de l’armée ». Ce dernier a connu, au cours des soixante dernières années, une succession de phases calmes et de crises plus ou moins aiguës : difficultés liées au reclassement des militaires dans la grille de la fonction publique en 1948, suites des guerres d’Indochine et d’Algérie, dégagements des cadres des années 60, antimilitarisme et désaffection des années 1970-1975, crises successives de la Gendarmerie en 1989 et 2001-2002. On peut distinguer à travers tous ces événements, bien qu’ils soient différents par leur nature et leur portée, une même idée sous-jacente : les militaires ne sont pas à leur juste place au sein de la Nation ; il y a une dégradation de la condition militaire par rapport à la situation des autres catégories socioprofessionnelles du pays.
À la fin des années 50 (1), une commission nommée par le ministre chargé des armées et présidée par le général Caminade établit un rapport qui, à l’issue d’une analyse précise de la situation des recrutements, de l’organisation des carrières et des rémunérations, préconise une revalorisation de la fonction militaire (2). Les premières réflexions autour de la notion de condition militaire se développent dès les années qui suivent. À partir d’une conception presque philosophique (3), le concept évolue rapidement vers une définition plus pragmatique, d’abord de nature essentiellement juridique (l’ensemble des droits et obligations des militaires) puis, rapidement, vers une acception plus large (4), faisant place aux aspects matériels : le terme de condition militaire évoque alors non plus simplement un ensemble de sujétions et de compensations, mais aussi l’ensemble des conditions matérielles dans lesquelles s’organise la vie professionnelle et personnelle des militaires. En fait, ce concept un peu flou tend à désigner, pour les acteurs des politiques de défense, l’ensemble des droits et obligations qui caractérisent ceux qui exercent l’activité militaire (restrictions à l’exercice de certains droits civils et politiques, exigence de disponibilité, etc.), ainsi que les contreparties qui leur sont attachées (régime de retraite particulier, compensations financières, aides matérielles et financières diverses, etc.). Le tout se développe sur un arrière-plan de comparaison avec des métiers ou des corps civils analogues à un titre ou à un autre (niveau de recrutement ou de « culture générale » des personnels, particularités des statuts, similitude des fonctions ou du domaine d’activité).
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