Les guerres de l'eau
Les guerres de l'eau
Maintenant que chacun parle d’écologie, les stratégistes doivent également s’en préoccuper. Parmi les causes fréquemment avancées du lien entre la guerre et la biosphère, l’eau vient au premier plan. Il importait donc de faire un point de la question : c’est l’excellent travail de Frédéric Lasserre, professeur à l’université Laval de Québec, géographe et géopolitologue, qui est un des maîtres de cette discipline qu’est la géopolitique de l’eau. La thèse est simple : l’eau ne sera pas, à elle seule, un motif de guerre. Mais elle sera très fréquemment une raison aggravante des conflits.
Le premier chapitre décrit les causes du phénomène : la raréfaction de l’eau due à la fois à une utilisation accrue (les fuites des réseaux d’eau sont évaluées à 40 % du volume apporté, l’irrigation de masse, notamment dans le Tiers-Monde).
Quelques idées simples sont alors assénées : l’eau n’est pas en soi « rare », ce que l’opinion publique retient trop souvent. Il n’y a pas de problèmes « mondiaux » d’eau, seulement des problèmes régionaux (l’eau ne se transporte guère). L’agriculture consomme 70 % de l’eau douce de par le monde : on peut réduire cette proportion, soit par modification des consommations alimentaires (la viande ou le maïs sont bien plus consommateurs d’eau que d’autres ressources vivrières) soit par amélioration des techniques.
On en déduit deux conclusions : que l’eau gratuite est un mythe (qu’il s’agisse d’eau potable ou d’eau agricole) ; l’eau est un problème politique avant d’être un problème géographique. Cela signifie que l’action publique est une chose essentielle, d’abord pour gérer l’eau interne. Les affaires extérieures interviennent ensuite.
Frédéric Lasserre passe alors aux travaux pratiques, au travers de six études de cas constituant autant de chapitres : certains sont connus (Israël, Turquie et Mésopotamie) d’autres le sont moins (si on aurait pensé au Nil, les cas de l’Ouest des États-Unis de l’Indus ou du fleuve Cauvery en Inde sont assez nouveaux pour le public français). La diversité des exemples permet d’illustrer précisément la gamme assez large des problèmes géopolitiques de l’eau. Les illustrations (cartes et graphiques) sont assez nombreuses pour aérer le texte et le mettre en valeur. Les trois derniers chapitres se veulent à nouveau synthétiques. L’un traite en détail de la question de l’irrigation, l’autre explique que l’eau n’est qu’un facteur aggravant des conflits, le dernier évoque enfin le droit international de l’eau. Une bibliographie synthétique termine l’ensemble.
Le lecteur sort de la lecture de cet ouvrage satisfait du mélange judicieux entre les faits et les idées : c’est une excellente synthèse qu’il convient d’acquérir et, surtout, de lire.