Le XXIe siècle sera-t-il celui des guerres de l'eau ? Rareté croissante et changements climatiques constitueraient un mélange explosif, dont les effets déstabilisants commencent à se faire sentir en de nombreuses régions. Certains analystes récusent l'idée de guerres de l'eau, estimant l'avènement de tels conflits impossible, tandis que d'autres les jugent inévitables. En réalité, si des guerres entre États sont peu probables en effet, avec l'eau comme seul objet de conflit, de nombreuses tensions intérieures couvent sous la cendre des sociétés.
Guerres de l'eau, guerres civiles avant tout
Wars for water will above all be civil wars
Will the twentieth century be that of wars for fresh water? Growing scarcity and climate change make for an explosive mixture whose destabilising effects are starting to make themselves felt in many different regions. Some analysts refuse to accept the idea of wars for water, maintaining that such conflicts are impossible; others judge them to be inevitable. In reality, if wars between states over water alone are less than probable, many internal tensions glow under society’s ashes.
Le XXIe siècle sera-t-il celui des guerres de l’eau ? Rareté croissante et changements climatiques constitueraient un mélange explosif, dont les effets déstabilisants commencent à se faire sentir en de nombreuses régions. Aux prophètes des conflits pour l’eau, répondent les inébranlables sceptiques, pour qui l’absence de conflit interétatique dans le passé est gage de leur caractère improbable dans le futur. Pour les premiers, les tensions croissantes sur la ressource conduiront les États, dont les sociétés affichent déjà des signes de tension croissante, à s’affronter pour régler des différends sur le partage d’une ressource essentielle et que les gouvernements regarderaient de plus en plus comme objet de souveraineté. Pour les seconds, la guerre pour l’eau coûte trop cher pour qu’elle en vaille la peine : le commerce de « l’eau virtuelle » constitue une alternative rationnelle à l’arrêt de la croissance des surfaces irriguées dans les pays confrontés à la rareté de l’eau ; les transferts massifs ou la généralisation de techniques comme le goutte-à-goutte constitueraient également des pistes qui écarteraient toute perspective de conflit. Or, rien n’est moins sûr, tant les voies du commerce de « l’eau virtuelle » que des transferts massifs demeurent peu durables pour régler efficacement une limitation brutale de l’approvisionnement en eau du secteur agricole.
Aaron Wolf se fait ainsi catégorique : il n’y a jamais eu de guerre de l’eau depuis 4 500 ans – quoique tous les analystes ne soient pas d’accord sur ce point (René Cagnat relève notamment la longue guerre entre les Émirats de Boukhara et de Kokand pour le contrôle de la rivière Zeravchan, affluent de l’Amou Daria, aux XVIIIe-XIXe siècles) – il y a donc peu de chances qu’il y en ait une prochainement. John Allan et Anthony Turton abondent dans ce sens. Sans verser dans un pessimisme excessif, force est de reconnaître que l’eau constitue un enjeu politique dont la gestion comprend de multiples dimensions et dont la complexité ne se laisse pas réduire à des solutions technicistes et présentées comme définitives, tel le commerce de l’eau virtuelle. Par ailleurs, l’argument historique laisse perplexe : si, dans le passé peu de guerres ont éclaté à cause de conflits sur l’eau, leur rareté passée n’est certainement pas gage du futur dans un monde affecté par les changements climatiques et où les besoins alimentaires augmentent à un rythme plus rapide encore que celui de la population : la pression sur la ressource a donc connu une brusque augmentation. La problématique de l’avènement possible de conflits pour l’eau prend donc racine, non pas dans l’aridité de certaines régions, mais dans la dynamique d’une demande en explosion face à une ressource limitée. C’est ce caractère dynamique qui interdit de s’appuyer sur des raisonnements historiques pour rendre compte de possibles conflits sur l’eau. Qu’en est-il de ces guerres de l’eau annoncées ? Quel type de conflits pourrait éclater au cours du XXIe siècle ?
Conflits interétatiques : l’eau catalyseur de tensions, mais pas de guerres
Les guerres de l’eau dont les médias se font le plus l’écho concernent de possibles conflits interétatiques : des États en viendraient à un casus belli déclenché par une trop forte tension, sanction d’une incapacité à se partager une ressource trop rare pour des besoins grandissants.
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