Défense en France - Observations sur le budget 2010
Pour 2010, le budget de la mission Défense s’établit à 39,3 milliards en autorisations d’engagement (AE) et à 37,1 milliards en crédits de paiement (CP).
En pleine conformité avec la trajectoire définie par la Loi de programmation militaire, qui prévoyait un pic de dotations en 2009 correspondant au pic des besoins en équipements et à l’impact du plan de relance, ce budget est en baisse par rapport à 2009, mais supérieur de près de 2 milliards d’euros, soit de 6 %, à celui de 2008.
La priorité demeure aux équipements, dont les CP s’élèveront à 17 milliards d’euros, soit 900 millions de moins qu’en 2009, mais 1,7 milliard de plus qu’en 2008.
Parmi les éléments positifs, il faut noter les efforts importants consentis en faveur du renseignement. Ainsi, les moyens de l’action Recherche et Exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France augmenteront de 8,3 % en CP, et le renseignement sera d’ailleurs le seul domaine de la mission Défense qui, loin de perdre des emplois, en gagnera.
Le plan de modernisation inscrit dans la Loi de programmation militaire 2009-2014, se poursuit de manière « nominale » du point de vue militaire. D’ici à 2014, 82 unités seront supprimées et 33 transférées. L’Armée de terre sera la première concernée : ses effectifs se réduiront de 26 500 hommes, et 20 régiments ou bataillons devront disparaître. L’Armée de l’air a commencé à fermer 11 bases aériennes. La Marine, enfin, perdra 6 000 hommes. Ces restructurations devraient aboutir à la suppression de 54 000 postes, soit environ 9 000 par an, ce qui est loin d’être négligeable. La reconversion est un élément essentiel de ces réductions d’effectif. Les armées ne peuvent se séparer d’autant de leurs hommes et femmes sans consentir un effort particulier en cette matière. À cette fin, le ministère de la Défense a installé le 10 juin 2009, l’agence Défense mobilité qui regroupe les moyens jusqu’à présent dispersés entre les différentes armées.
Exécution des programmes
Les programmes liés à la dissuasion nucléaire se déroulent selon les échéances prévues. Une étape majeure dans le renouvellement de nos deux composantes est en passe d’être atteinte avec, à quelques mois d’intervalle, l’entrée en service du missile ASMP/A sur le Mirage 2000N et sur le Rafale, et celle du missile M51 sur le 4e SNLE-NG, Le Terrible.
Le programme Rafale est un programme ancien, mais qui n’a pas connu de problèmes techniques, ni de dérapages de coûts. Les avions sont assemblés dans l’usine de Bordeaux-Mérignac, au rythme d’un par mois. Le ministère de la Défense a commandé cette année la quatrième tranche, libérant ainsi l’industriel de ses inquiétudes quant au maintien d’une production suffisante.
Le programme VBCI se déroule dans le cadre de la programmation, sans dérapages de coût et délivre un produit technologiquement adapté à la satisfaction du besoin.
Certains programmes méritent une attention particulière
Renseignement spatial
Le respect des objectifs du Livre blanc en matière de renseignement spatial, comme la continuité indispensable des capacités actuelles, exigent le lancement sans retard en 2010 de la réalisation des satellites d’observation MUSIS (Multinational space-based imaging System for surveillance, reconnaissance and observation) et de la conception du satellite d’écoute Ceres (Capacité de renseignement électromagnétique spatiale).
Le projet d’imagerie spatiale Musis est un programme en coopération (France, Allemagne, Belgique, Espagne, Grèce et Italie). Il est conçu pour prendre la suite de tous les satellites utilisés aujourd’hui par les différents pays concernés, notamment, les satellites d’observation Helios II (1), Sar-Lupe (2) ou encore Cosmo-Skymed (3). La fin de vie théorique de ces systèmes est en effet prévue entre 2014 et 2017.
Le système Ceres devra permettre l’interception et la localisation des émissions électromagnétiques depuis l’espace (détection et localisation d’émetteurs radar ou de télécommunications). Le projet est ouvert à la coopération européenne. La Grèce et la Suède ont participé aux travaux préparatoires, mais n’ont pas fait connaître leurs intentions pour la suite du programme.
L’avion de transport militaire A400M
Les problèmes techniques semblent avoir été surmontés, moyennant l’étalement des spécifications dans le temps grâce à l’acceptation de trois standards de livraisons. Les spécifications les moins importantes ont été abandonnées. Un premier vol d’essai a eu lieu le 11 décembre 2009.
Le premier avion livré aux forces françaises le serait à la fin 2012, soit avec quatre ans de retard sur le calendrier initial. Il reste toutefois à partager le surcoût de l’opération entre l’industriel et les États. C’est l’objet des négociations en cours.
Frégates européennes multimissions
Le programme des Fremm a dès le départ été sous-financé. La cible de programmation initialement fixée à 17 frégates a donc été ramenée à 11, avec en outre une modification des spécifications et la commande ferme de trois frégates de défense aérienne (Freda). Cette réduction de cible s’est traduite (arithmétiquement) par une augmentation du coût unitaire marginal, hors développement des frégates.
Les sujets d’inquiétude
Le MRRT (Multi-Role Transport and Tanker)
Ce programme est destiné à pourvoir au remplacement de la flotte de ravitailleurs en vol, actuellement composée de Boeing KC-135. Compte tenu du retard de l’avion de transport A400M, son anticipation aurait été une bonne chose. Cela n’a pas été possible notamment pour des raisons de désaccord sur le prix entre EADS et la DGA. La question se pose de savoir quand ce programme pourra être lancé.
Le successeur du missile Milan
Le retour d’expérience d’Afghanistan a conduit l’état-major des armées à faire évoluer le besoin opérationnel vers des missiles de type tire et oublie capables d’être tirés à partir de milieux confinés (maisons, terrains accidentés). « C’est-à-dire un matériel qui autorise à tirer en espace clos, semi-clos ou contraint et, surtout, de quitter la position de tir une fois le missile parti. En effet, le missile filoguidé dont nous sommes dotés implique de rester vingt secondes derrière un poste de tir non abrité », a ajouté le chef d’état-major de l’Armée de terre.
Ces spécifications écartent le projet de missile Milan ER (Extended Response) de MBDA et ont conduit, dans un premier temps, afin de satisfaire le besoin opérationnel immédiat, à l’achat sur étagères d’un missile américain. C’est ainsi que l’Armée de terre va recevoir 76 postes de tirs de missiles Javelin. Il s’agit d’une « solution relais » en attendant que l’industrie française développe un successeur du Milan, en coopération avec un industriel étranger, américain ou israélien.
Les drones d’observation
La France a pris un important retard en matière de drones d’observation. Les objectifs qui avaient été assignés par la Loi de programmation militaire 2003-2008 n’ont pas été atteints.
Un rapport parlementaire vient d’être publié à ce sujet. Estimant que « la France court le risque d’une rupture capacitaire » sur les drones, au moment où ils ont montré tout leur intérêt dans les opérations militaires d’Afghanistan, les députés jugent nécessaire de choisir dès le début de l’année 2010 le système de la future génération de drones Male (drones de moyenne altitude et longue endurance) « pour la prochaine décennie ». ♦
(1) La fusée Ariane a mis sur orbite le satellite Helios II B le 18 décembre 2009. Il s’agit d’un satellite d’observation optique exclusivement destiné au renseignement et aux opérations militaires des six pays partenaires (France, Belgique, Espagne, Italie, Grèce et Allemagne).
(2) Système militaire allemand de reconnaissance stratégique composé de cinq satellites identiques et d’une station sol.
(3) Constellation de petits satellites pour l’observation du Bassin méditerranéen (Italie).