Le Pacifisme à l'épreuve
Le Pacifisme à l'épreuve
L’argument est simple et ne saurait surprendre. Comme nul ne l’ignore, à l’image d’une Allemagne longtemps dominée par le militarisme prussien, le Japon des Shoguns s’est trouvé d’un coup battu, atomisé, rassasié d’aventures et ficelé par la loi des vainqueurs. Un fameux article 9 soufflé par MacArthur a institué au départ un « pacifisme constitutionnel » procurant au fond, toute honte bue, un certain confort sur le plan politique et la possibilité d’accorder la priorité à des activités plus rémunératrices. Voici comment on devient à la fois, selon la formule consacrée et pour peu qu’on soit travailleur et patriote, « un géant économique et un nain politique ». Situation bancale pourtant, car l’expérience prouve, comme le disait Staline et malgré le contre-exemple d’un Vatican sous Jean-Paul II, qu’il est difficile de se faire prendre au sérieux à la table mondiale, par exemple d’acquérir un siège permanent au Conseil de sécurité, sans un minimum de crédibilité militaire. La « diplomatie du chéquier » a ses limites.
Dans cet esprit, les auteurs énoncent les étapes de la lente mais nette évolution des « Forces d’autodéfense » (FAD), la description portant ici peu sur le domaine technique mais plutôt sur le cadre politique et parlementaire. Exposé précis, détaillé, quelque peu austère, couronné par une excellente et brève conclusion et appuyé sur quelques annexes utiles, comme celle portant sur la chronologie de la « législation en matière de défense ».
La montée en puissance, fondée sur la méthode des « petits pas », est assez linéaire et il semble presque abusif de parler à certains moments de « tournant ». Point de scandale au niveau mondial, mais une double opposition à l’intérieur : celle des ultranationalistes criant à la « vassalité » (vis-à-vis des États-Unis) et à une « version modernisée des traités inégaux » et surtout celle, souvent violente, des groupes marxistes. Mais nombre d’événements ont facilité et rendu plus crédible le renforcement militaire : après l’affaire de Corée, ce furent les menaces soviétiques au temps de la guerre froide, les gesticulations de PyongYang, l’agitation dans le détroit de Formose et plus généralement sur les routes maritimes vitales d’approvisionnement, pour finir par le 11 septembre et les « nouvelles menaces ». Même si les missions de protection restent l’essentiel, la participation à l’aventure irakienne a achevé de faire sauter le « verrou géographique », d’autant plus difficile à maintenir fermé que la présence de nombreux ressortissants nippons à travers le monde est de plus en plus importante.
Comme désormais dans la plupart des démocraties occidentales, les FAD constituent une armée professionnelle faite de soldats-citoyens soumis au minimum indispensable de contraintes juridiques. Longtemps « invisibles dans l’espace public », elles sont maintenant acceptées, voire sollicitées comme lors du séisme de Kobé, mais placées sous un contrôle civil strict risquant d’imposer sur le plan technique des décisions « revêtues d’amateurisme ». Il subsiste encore un certain nombre de lacunes et aussi d’ambiguïtés traquées par la guérilla des « constitutionnalistes » : opérations humanitaires ou militaires ? Définition précise du caractère défensif des armements ? Conditions de la sortie du « confinement », à savoir le passage de l’exclusivité, parfois inconfortable, de la tutelle américaine à la norme onusienne ?.. On a donc bonne conscience ; on a inventé la notion de « pacifisme productif » (sic), expression d’un « nationalisme sain » (re-sic). Près de 250 000 hommes, troisième rang mondial des puissances maritimes, quatrième des budgets de Défense… Voici donc, comme l’indique le titre de l’ouvrage, un « pacifisme à l’épreuve ». L’histoire n’étant jamais terminée, il reste à suivre, au-delà des investigations de nos deux auteurs mais dès le court terme, le traitement du sujet par le parti PDJ récemment arrivé aux affaires et par l’Administration Obama.