Mon intime conviction
Mon intime conviction
Je dérange, dit Tariq Ramadan, on ne sait « où me placer ». Il a raison et cette ignorance est gênante. Musulman militant, il enseigne en Angleterre, aux Pays-Bas, au Japon, en Amérique à l’université Notre Dame (doux Jésus !) et tient, en France, une place obsédante sur nos plateaux de télévision. C’est pour lever cette indétermination qu’il a écrit ce livre. Précipitons-nous ! Hélas, lecture faite, le gogo restera gogo et le lecteur attentif inquiet, et de ce qu’il aura lu, et de ce qu’il n’y aura pas trouvé.
« L’islam est devenu une religion occidentale » et l’Occident est contraint de gérer le pluralisme. L’homogénéité culturelle de l’Europe est brouillée, pensent les Européens. Ils se trompent, cette homogénéité ne leur apparaît telle que parce qu’ils ont évacué de leur histoire les apports considérables dont celle-ci est redevable à l’islam, islam dynamique, créateur, accueillant aux cultures diverses. Nous autres Français devons revisiter notre passé et, dans les manuels à l’usage des enfants, battre notre coulpe, notamment en matière d’esclavage (sic) et célébrer le retour de nos anciens mentors. L’Occident n’a pas encore reconnu tout cela. Le pape non plus, dont le discours de Ratisbonne est mis en parallèle des actes terroristes (p. 133). La France doit s’en tenir, comme elle dit mais ne fait pas, à une stricte laïcité, laquelle impose la discrétion sur l’héritage chrétien. Au reste « on » a déjà gagné. L’Occident, autrefois dâr al-harb, domaine promis à la guerre, est devenu dâr ad-da’wa, terre de mission, et de shahâda, « le monde entier est devenu un espace de témoignage ».
Le constat est rude : l’Occident est en quête de sens, quête que l’islam est en mesure de satisfaire. L’auteur est pourtant en deçà de la vérité. L’Occident n’est en quête de rien du tout et s’en moque comme de colin-tampon. Quant à lui proposer l’islam en solution de rechange, c’est se moquer du monde. L’amour et la paix, dites-vous ? On connaît, c’est notre Dieu qui les a inventés. Et si nous ne l’entendons plus, ce n’est pas pour écouter le vôtre, qui est tout à l’inverse. Je vous choque ? Répondez donc, ami, à la question que nul n’ose vous poser. Y a-t-il en islam de la violence, y a-t-il en islam une revendication totalitaire ? Il est vrai que vous avez déjà répondu, prenant en 1998 la défense de votre grand-père, fondateur des Frères musulmans. L’emblème des Frères est sans équivoque : le Livre saint, deux glaives croisés, l’injonction guerrière (1).
(1) Tariq Ramadan : Aux sources du renouveau musulman ; d’al-Afghani à Hassan al-Banna, un siècle de réformisme islamique ; Bayard éditions. Voir Défense nationale et sécurité collective, mars 1999, « Parmi les livres - Réformisme islamisme, une inquiétante ambiguïté ».