Suffren
Suffren
Qui ne connaît le Bailli de Suffren se délectera des pages écrites par Rémi Monaque à son sujet. L’auteur, qui n’est pas à son coup d’essai en matière de biographies de marins, nous dresse un portrait saisissant de l’homme, du stratège génial et du médiocre tacticien, du chef respecté de ses hommes, dont il prenait le plus grand soin mais le plus souvent honni des officiers ayant à servir sous ses ordres, probablement du fait de sa tenue débraillée, de son langage vulgaire, mais aussi de sa dureté envers eux. Un exemple ? Cette invective à l’un de ses capitaines : « Si vous craignez les boulets anglais, je vous en enverrai des français ! ».
Le personnage que l’on voit se construire au fil des chapitres devient attachant tant par ses faiblesses que par son génie : tour à tour homme de guerre et diplomate, menant une double carrière dans la Royale et l’Ordre de Malte. Le récit de ses exploits sur mer, à la tête de l’escadre française envoyée en Inde est saisissant : sa parfaite connaissance de la Marine lui permet d’appliquer la doctrine en vigueur, quand elle le sert, mais aussi de savoir l’oublier dans le cas inverse. Le lecteur découvrira également non sans quelque étonnement que Suffren, encore jeune officier adressait régulièrement des mémoires à l’attention de son ministre… Imaginerait-on aujourd’hui un enseigne de vaisseau écrivant au ministre pour lui expliquer les causes des échecs de sa Marine ou les moyens de la rendre plus performante ?
Afin de nous permettre de savourer à leur juste valeur les prouesses de notre héros, Rémi Monaque a pris le soin de glisser en fin de volume un petit glossaire maritime et un petit traité de tactique de la Marine à voile. Et ce n’est pas le moindre des mérites de l’auteur de ce livre passionnant et particulièrement bien documenté. En trois mots comme en cent : à lire absolument !