Editorial
Éditorial
C'est Pierre Hassner qui ouvre ce numéro, en nous rappelant l'incertitude du monde et l'effacement des déterminismes qui l'organisaient récemment encore ; nous reviendrons bientôt sur les questions nucléaires et les engagements militaires qu'il évoque comme champs de tensions entre politique et stratégie.
La vaste problématique qui sous-tend les dossiers du mois d'avril expose d'une part la dynamique des partenariats et des externalisations qu'a enclenchés le ministère de la Défense et d'autre part le puzzle des espaces orientaux situés à l'est de l'Europe. Dans ces secteurs où l'actualité est quotidienne, l'entreprise européenne devrait jouer un rôle clé, au nom de la mutualisation des efforts et de la diplomatie réventive. Or il n'en est rien. Pourquoi ?
Tentons une explication. La construction européenne résulte dès les origines d'une nécessité et d'un pari : nécessité de mettre fin à l'histoire tragique d'un continent labouré par les guerres nationales et pari de l'intérêt général européen qui prévaudrait sur les intérêts particuliers nationaux. Or il est clair qu'aujourd'hui si la coopération interétatique a remplacé les guerres en Europe, on est encore loin d'une intégration européenne, la crise l'a montré. On peut en effet soutenir que faute de vision géopolitique suffisante la construction européenne a été enrôlée, parfois par complaisance, parfois à son insu, dans d'autres manoeuvres qui l'ont empêchée de gagner le pari initial : manoeuvre économique de dérégulation libérale qu'a menée la Commission européenne et manoeuvre stratégique d'élargissement à l'est qu'a conduite l'Otan. En plus d'un retard à approfondir son projet politique, il en est résulté pour l'Union européenne une périphérisation progressive (le mot n'est pas consonant mais fort utile) et une incertitude sur son positionnement stratégique.
C'est particulièrement vrai si l'on considère l'Est du continent européen, sa structuration, sa délimitation, son articulation avec l'Asie centrale et avec une Fédération de Russie qui, forte de sa rente énergétique, cherche à renforcer son contrôle économique dans toutes les directions. C'est aussi vrai à l'ouest avec la tentation d'ériger un monde transatlantique organisé par les États-Unis et dont l'Union européenne serait le simple contrefort occidental. Telle est, selon moi, l'une des causes de l'actuel malaise stratégique européen. Y remédier supposerait de l'identifier clairement. P.-E. Thomann propose dans une tribune unangle d'attaque résolument géopolitique pour le résorber et consolider l'avenir de l'Union.
Le débat stratégique se poursuit dans ce numéro : année de la Russie en France, biodiversité, pédagogie de la violence guerrière… Les chroniques parlent d'États-Unis, d'intérêts énergétiques chinois, de débats stratégiques dans les pays d'Europe, transmettent la vision d'Hervé Coutau-Bégarie sur l'esprit et la presse de défense et relatent le dernier message opérationnel du général Georgelin, qui vient de quitter sa mission de Cema, aux députés. Les recensions continuent à défricher la production stratégique. La préparation du colloque (CID, HEC, ENA) du 26 mai sur la compétitivité stratégique se poursuit et les assises de la pensée stratégique se préparent sous l'égide du CSFRS…
Nous avons rencontré des difficultés techniques pour alimenter notre site www.defnat.com au mois de mars ; elles sont résolues. Nous sommes heureux de vous y accueillir avec nos archives, notre édition numérique et la version anglaise d'avril.