L’évolution actuelle de l’espace mondial est caractérisée par un éparpillement géographique des sources de pouvoir avant tout étatiques mais aussi infra-étatiques (régions ou territoires séparatistes) ou supra-étatiques (alliances ou organisations internationales). Il en résulte un processus de morcellement et de recomposition des territoires et de la géographie politique. La maîtrise du territoire est nécessaire aux entités politiques pour assurer leur sécurité militaire et économique, leur puissance politique, ou conforter leur identité. La délimitation des zones d’influence ou le tracé des nouvelles frontières évolue en fonction d’ajustements successifs entre les projets géopolitiques des différents acteurs oscillant entre la rivalité et la coopération.

Pour manœuvrer au XXI^e siècle dans un monde en recomposition, il faut une stratégie géopolitique conçue comme stratégie intégrale et spatio-temporelle, faisant office de démultiplicateur de puissance. Car la maîtrise du territoire et du temps, au service d’un objectif politique, reste un atout décisif et un élément central de souveraineté. La maîtrise de l’espace-temps d’un acteur géopolitique dépend de sa capacité d’anticipation sur l’espace-temps des autres. Est-il suffisant pour l’Union européenne de se positionner comme « empire des normes » en anticipant la progression du facteur juridique dans les relations internationales face aux doctrines géopolitiques des autres entités politiques comme les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde, qui reposent sur la puissance classique ?