Sous-traiter, privatiser la guerre à des experts pourquoi pas ? À condition d'obtenir la même réactivité, la même sureté, la même interopérabilité que celles qu'offrent les forces régulières. Mais cette formule ne doit pas suppléer des impasses capacitaires.
Externaliser la guerre ?
Outsourcing warfare?
Why not subcontract or privatise war? Indeed, why not, so long as the same reactivity and levels of security and operability as those offered by regular forces can be achieved? That said, such a formula must not be an excuse for getting round lack of capability.
Au XVIe siècle, l’armateur Jean Ango et ses corsaires dieppois étaient si redoutablement puissants qu’ils contraignirent l’Empereur Charles Quint à signer la paix de Crépy avec Francois Ier. Au XVIIe siècle, les Anglais, ruinés par la guerre au commerce des corsaires français, signèrent la paix de Ryswick à l’avantage de la France. La Marine royale a pourtant été défaite sur mer, à La Hougue. Les armateurs — armant en course, donc à titre privé — ont fait mieux que sauver le royaume des lys. Réintroduite par les pays anglo-saxons, l’externalisation progresse dans toutes les armées occidentales, y compris dans les théâtres d’opérations. Sous-traiter en opérations est aujourd’hui un mal nécessaire. Les États occidentaux n’ont plus le choix : il leur faut compenser leurs déficits capacitaires et soulager leurs armées, dans un contexte budgétaire contraint. Néanmoins, une opération militaire ne saurait se résumer à un simple calcul économique. Une externalisation mal maîtrisée conduit à une cohorte de risques supplémentaires : étiolement des compétences, réduction de la liberté d’action, voire délégitimation de l’action.
Externaliser : une mode occidentale ?
Sous-traiter présente d’indiscutables avantages en métropole, dans un environnement et un contexte parfaitement connu et maîtrisé. Décision fortement politique, le processus est devenu presque naturel au sein des armées. Néanmoins, il confine parfois au dogme.
Il ne fait pas de doute que l’action des armées s’inscrit aujourd’hui dans un contexte budgétaire contraint, aggravé par la crise financière de 2008-2009. En France, pour l’exécutif, il est indéniable que subsistent encore et toujours des redondances, notamment en métropole. La tentation est donc grande de rationaliser des structures jugées dispendieuses, en appliquant des recettes civiles. La révision générale des politiques publiques (RGPP) française est ainsi fondée sur des critères rationnels et fonctionnels, mais aussi et surtout économiques. Réduire l’emprise du « back-office » — le soutien, présupposé coûteux, surdimensionné et redondant — au profit du « front office » — assimilé aux unités de combat — est un credo politique, d’où procède la volonté actuelle de rationaliser les structures en créant autant de structures interarmées que de besoin. En filigrane, transparaît également le souhait d’externaliser et de se rapprocher de ce rêve néocapitaliste d’une « entreprise sans employés », centrée sur son « cœur de métier ». Les Partenariats public-privé (PPP) sont envisagés sans tabou aucun. La construction du futur ministère de la Défense français à Balard relève de cette logique. La Royal Air Force (RAF) a envisagé de recourir à ce type de contrat pour le ravitaillement en vol de ses avions, fonction pourtant essentielle pour une projection de puissance. La question se pose aujourd’hui pour les futurs ravitailleurs en vol français. La France se propose également d’externaliser ses communications satellitaires militaires, à l’instar des Britanniques et de leur réseau Skynet.
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