États-Unis - Politique étrangère américaine
La politique étrangère américaine évolua en 2009 dans des cadres contraints par la crise financière et par le choix initial de l’Administration Obama de traiter tous les dossiers de front compte tenu de leurs interdépendances supposées. Après le temps de l’audit est venu celui des hiérarchisations et, sinon d’une « grande » stratégie, du moins d’une synthèse, d’un « paragraphe » selon la formule de George Kennan en 1994 (1).
L’invocation tous azimuts du smart power permit à l’Administration Obama d’optimiser un recentrage vers le soft sans négliger le hard, restaurant l’image des États-Unis sans trop prêter le flanc aux critiques du camp Républicain (2). Toutefois, au-delà des effets d’annonce, les réflexions en cours n’aspirent pas seulement à un rééquilibrage ou une meilleure combinaison des outils de la puissance, mais bien à leur renouvellement, à commencer par le Département d’État et le Pentagone. Processus de longue haleine, comme en témoignent la QDDR à venir (3) et surtout la Quadriennal Defense Review 2010. Celle-ci hiérarchise six missions militaires prioritaires : défendre les États-Unis ; mener à bien les opérations de contre-insurrection, de contre-terrorisme et de stabilité ; construire les capacités de sécurité des partenaires ; dissuader et défaire une agression dans des environnements anti-accès ; prévenir la prolifération et contrer les ADM ; opérer dans le cyberespace. Sont synthétisés ici deux triptyques dominants : l’un d’inclination « réaliste » (gérer les extrémismes islamistes, la montée de la Chine et la prolifération nucléaire) ; l’autre davantage « internationaliste libéral », contrôler les espaces communs, prévenir et gagner les guerres « hybrides », mieux assister les États faillis (4).
En dépit de cette volonté affichée de rééquilibrage, et outre certaines limites inhérentes à l’exercice, la QDR peine à s’extraire du vieux schéma structurant des deux guerres majeures, et bute ici sur deux incertitudes. La première tient aux formes que revêtirait un tel conflit « majeur ». Robert Gates maintient que les défis actuels préparent aussi à ceux de demain, mais ne peut écarter la menace potentielle du triptyque irregular-disruptive-catastrophic de la QDR 2006 (5). L’expression trop rumsfeldienne contenue dans cette dernière (« façonner les choix de pays à des carrefours stratégiques ») a certes disparu de la version 2010, mais ne cède la place qu’à des embryons de concepts opérationnels – sur le déni d’accès (A2/AD), la contre-prolifération et le cyber – dont l’horizon pourrait être un concept de « bataille aéromaritime » (6) qui reste cependant à élaborer. La seconde incertitude qui transparaît de la QDR porte sur l’évolution des partenariats internationaux. Au milieu des années 90, les rares Américains qui daignaient croire en la défense européenne nourrissaient l’espoir de refonder leur contrat opérationnel sur la base « d’1,5 guerre majeure », l’IESD d’alors assumant un quart du fardeau (7). Étendue progressivement à l’Asie du Nord-Est puis au plan global, la question du partage du fardeau et, au-delà, celle de la refonte du système multilatéral constituent le second axe de réflexion américaine sur les outils, et au fond sur la puissance elle-même.
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