Les acteurs privés interviennent de plus en plus dans les conflits armés soit en supplétifs, soit en alternative, soit en prolongement des forces armées. Pourquoi renoue-t-on avec cette tradition ? Quelles en sont les limites ?
Nouveaux engagements et privatisation : jusqu'où aller ?
New commitments and privatisation: just how far should we go?
Increasingly, private organisations are becoming involved in armed conflicts in a supporting role, as an alternative option or as an extension of the armed forces. Why is this tradition being revived, and where is the limit?
Les armées sont de plus en plus sollicitées dans les théâtres d’opérations extérieures et dans un environnement complexe et fragmenté où interviennent de nombreux acteurs civils et militaires. Elles continuent simultanément à intervenir sur le territoire national dans les missions traditionnelles de sûreté, mais également en appui des forces de sécurité. Partout, l’externalisation se développe et la protection se « civilianise » avec le recours aux sociétés militaires privées.
Une certaine confusion des genres peut apparaître dans la répartition des missions entre civils et militaires. Dans les théâtres d’opérations, quelles missions peut-on confier aux civils ? Jusqu’où peut-on aller dans l’externalisation ? À l’inverse, est-il légitime d’engager des militaires en appui direct d’intérêts privés (sécurisation d’emprise privée, embarquement d’équipe de protection sur des bâtiments civils) ? « Intérêts privés » au moins en apparence. Questions simples pour une problématique complexe.
On abordera cette question en décrivant les évolutions du cadre général d’engagement, les nouvelles missions qui lui sont associées ainsi que les acteurs qui interviennent, brouillant la répartition traditionnelle des tâches entre civils et militaires. On montrera néanmoins comment ces évolutions, pour nouvelles qu’elles paraissent, ne traduisent en réalité que le retour à un modèle d’armée déjà rencontré dans l’histoire et fondé sur la professionnalisation et les guerres expéditionnaires. Dans ce modèle, les armées aux effectifs réduits font largement appel aux sociétés privées pour compléter leurs moyens. On s’attachera ensuite à distinguer dans les facteurs à l’œuvre ceux qui sont pérennes et devraient se prolonger et ceux qui a contrario engagent à rester prudent dans un trop large élargissement vers les sociétés privées. Ce constat établi, on examinera dans quel contexte économique et juridique prennent place ces évolutions et comment il est susceptible d’agir sur le périmètre devant impérativement rester confié aux militaires. Ce périmètre dessinera « en creux » celui de toutes les autres fonctions susceptibles d’être confiées à des civils.
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