En rappelant que les règles d’engagement régissent et régulent les actions de coercition militaire, les auteurs montrent qu’elles ont permis l’intégration progressive des forces armées dans un environnement de plus en plus complexe et de plus en plus changeant. Mais aussi qu’elles restent l’instrument inévitable du contrôle politique sur l’action militaire et un vecteur irremplaçable de la cohérence opérationnelle.
Les règles d'engagement, un objet juridique ?
Rules of Engagement, a juridical subject?
Reminding us that Rules of Engagement control and regulate military coercive action, the authors show that they have encouraged a progressive integration of the Armed Forces in an ever changing and more complex environment. But they are still the unavoidable instrument of political control over military action, and an irreplaceable medium of operational coherence.
Le 4 septembre 2009, près de Kunduz en Afghanistan, un avion américain guidé par un contrôleur aérien avancé allemand détruit un camion-citerne aux mains des insurgés, occasionnant la mort de plus d’une centaine de civils. Un mois plus tard, du fait des répercussions de ce bombardement dans l’opinion publique allemande, le chef d’état-major de la Bundeswehr et un secrétaire d’État à la Défense démissionnent. Faut-il en conclure que l’action militaire doit être soumise à un contrôle plus strict, au risque de renoncer au combat ? Faut-il au contraire libérer l’usage de la force en prenant le risque de dommages collatéraux, scandaleux aussi bien pour l’opinion publique afghane qu’occidentale ? Alors que les règles d’engagement sont au cœur de cette contradiction qu’elles visent à résoudre, elles sont pourtant bien souvent perçues comme une limite à l’efficacité des forces armées, réveillant une tension ancienne entre l’objectif final, qui impose la retenue dans l’usage de la force, et la nécessaire efficacité de l’action militaire contre un adversaire agressif et aguerri. À la croisée de l’opérationnel, du juridique et du politique, elles sont devenues essentielles à l’action militaire. Et pourtant, l’actualité de ces objets « introuvables » voire « rejetés » impose de mieux les cerner, dans leur dimension juridique, mais aussi militaire et politique.
Une norme juridique
Le droit est l’ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique (1). Ces règles sont générales, abstraites et obligatoires. Elles se composent dans l’ordre hiérarchique décroissant de la Constitution, des traités, des lois et des règlements. Elles ne peuvent être créées que par des institutions détentrices de la puissance publique : le peuple souverain (constitution), le Parlement (ratification des traités et lois), les organisations internationales (droit international) et les autorités exécutives (règlements) (2).
Les règles d’engagement régissent de leur côté les conditions d’utilisation de la coercition dans le cadre d’opérations militaires. Générales, impersonnelles et obligatoires, elles sont édictées par une autorité militaire agissant dans un cadre fixé par le président de la République, chef des armées, ou par un organe exécutif délégué dans le cadre de l’ONU, de l’Otan ou de l’UE. Or ceux-ci n’agissant pas en tant que détenteurs de la puissance publique, les règles d’engagement ne peuvent pas relever du droit.
Il reste 87 % de l'article à lire
Plan de l'article