L’étude de la situation stratégique du Yémen révèle au-delà des complexités internes de l’émirat, l’évolution de l’équation stratégique du Proche-Orient. Les clivages arabo-perses et sunnites-chiites conduisent à de surprenantes régulations.
Le Yémen, un nouvel enjeu stratégique ?
Yemen: a new strategic challenge?
This study of the strategic situation of Yemen goes beyond the internal complexities of the Emirate to reveal the evolving Middle Eastern strategic equation. The cleavages between Arabs and Persians, between Sunni and Shia Islam, are leading to some surprising adjustments.
Parmi les nombreux pays arabes soumis à des turbulences récurrentes, il en est un qui n’a guère été placé au cœur de l’actualité, du moins en Europe ou outre-Atlantique, jusqu’à l’irruption récente de troubles majeurs et l’attentat manqué fin 2009 contre les États-Unis : le Yémen. Une conférence internationale s’est tenue début 2010 à Londres et a tenté de combler cet oubli en s’efforçant de mobiliser les bonnes volontés et d’évaluer les risques pesant sur cet État (1). Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce désintérêt relatif (2) : sa diaspora n’est guère présente dans nos contrées, ce n’est pas un partenaire économique ou stratégique privilégié, parce que ses ressources financières sont limitées. Et puis c’est Djibouti, qui accueille de nombreuses forces occidentales, qui constitue une position privilégiée à proximité immédiate du détroit de Bab-el-Mandeb, verrou d’accès sur la mer Rouge où transite une part importante du commerce maritime international et pétrolier en particulier.
Un écheveau local et régional
Au Moyen-Orient, en revanche, les violences que connaît le Yémen depuis plusieurs années sont régulièrement au cœur des analyses politiques, et pour plusieurs raisons.
D’abord, parce que cet État, qui a été récemment réunifié (en 1994) connaît des velléités sécessionnistes, en particulier chez les « sudistes », ex-marxistes, qui estiment qu’ils ont été absorbés par les « nordistes » plus peuplés, qui se seraient approprié l’essentiel des pouvoirs au sein de la nouvelle entité. Ce phénomène, s’il prenait de l’ampleur ou se concrétisait serait perçu comme un dangereux précédent par les pays arabes, qui pourraient voir surgir des revendications séparatistes, qui sont parfois déjà à l’œuvre comme au « Kurdistan irakien », au Soudan ou en Somalie. L’autre menace concerne la montée en puissance de l’islamisme radical. En effet, parmi les combattants d’Al-Qaïda, un nombre relativement important est d’origine yéménite, et les journalistes ont suffisamment rappelé l’ascendance de Ben Laden après les attentats du 11 septembre. Ces islamo-djihadistes ont mal vécu le rapprochement opéré par le président Ali Abdallah Saleh avec les Américains qui ont sollicité et obtenu sa coopération. D’autres lui reprochent d’avoir sciemment favorisé leur ascension pour mieux combattre la rébellion zaïdite, (ou zaydite) qui regroupe des combattants qui appartiennent à une branche du chiisme (3).
Il reste 86 % de l'article à lire
Plan de l'article