En revenant de façon détaillée sur les différentes étapes d’une introuvable intégration stratégique méditerranéenne, l’auteur nous invite à dépasser les racines de la conflictualité intrinsèque de cette zone clé, à la fois forum de peuples et passerelle de continents, par une recherche résolue de solutions mutuellement favorables.
Méditerranée : état des lieux
The Mediterranean: an inventory
In a detailed review of the different stages of a strategic Mediterranean integration yet to be achieved, the author invites us to look beyond the roots of intrinsic conflict in this key region, both a forum of populations and a bridge between continents, with a determined search for mutually advantageous solutions.
La Méditerranée est géographiquement une mer compartimentée. Mais elle est indivisible si l’on adopte une approche géopolitique. En effet, tout conflit qui en affecte une partie produit une onde de choc qui se propage au plus loin. Quelques exemples illustrent cette réalité : la guerre civile libanaise (1975-1990) a eu des conséquences non seulement au Proche-Orient, mais aussi en Europe ; la décennie tragique qu’a connue l’Algérie dans les années 90 s’est traduite, notamment, par des attentats terroristes en France ; le conflit israélo-palestinien affecte l’ensemble des relations Nord-Sud ; le mouvement des « Frères musulmans » égyptien et le wahabisme d’Arabie saoudite inspirent d’autres groupes « islamistes » dans l’ensemble du « monde musulman » ainsi que des extrémistes en Europe ; l’affaire du Sahara occidental contribue à détériorer les relations au sein de la Ligue des États arabes et explique pour une part importante la crispation des relations franco-algériennes en même temps qu’elle bloque toute perspective de construction d’un Maghreb uni, etc.
En outre, la Méditerranée est un centre d’intérêt prioritaire, y compris pour des puissances non riveraines. Elle est source de préoccupations et objet de nombreuses sollicitations. Des pays membres de l’Union européenne sont méditerranéens et, par le détroit de Gibraltar, l’Europe est à 14 km du Maghreb. La Sicile est à 146 km de la Tunisie. Les États-Unis s’impliquent dans cette zone depuis le XVIIIe siècle : Washington a ouvert un Consulat à Tanger en 1791 et a envoyé pour la première fois, en 1794, un navire de guerre en Méditerranée. Quant à la Russie – et quel que soit le nom porté par cette puissance – elle s’est toujours intéressée à cette région. En effet, ce pays – continent – souffre de claustrophobie à cause de sa géographie : la plupart de ses ports sont pris par les glaces plusieurs mois par an et les détroits qui permettent à sa flotte de rejoindre le large sont contrôlés par des États étrangers. D’où la nécessité vitale pour Moscou de disposer d’un accès à la Méditerranée à partir de la mer Noire, via les détroits turcs, puis, par le canal de Suez, à l’océan Indien. L’URSS affirmait être un pays méditerranéen et, pour ce faire, présentait la mer Noire comme une dépendance de la Méditerranée. Il faut donc s’attendre au retour en force, dans un proche avenir, de la flotte russe dans cette mer, donc la nécessité pour le Kremlin de mener une politique volontariste en direction des pays du Sud du bassin méditerranéen.
Ceux-ci ont fait l’objet de nombreuses sollicitations émanant tant de l’Europe que de l’Otan. Ces initiatives sont dictées par une prise de conscience d’intérêts communs, ce qui constitue un progrès considérable par rapport à une période récente durant laquelle prévalaient les perceptions suivantes : au Nord, la conviction qu’« eux, c’est eux et nous, c’est nous ! » et que la fragmentation du Sud servait les intérêts du Nord ; au Sud, traumatisé par le passé colonial, un regard négatif sur l’ancien colonisateur, soupçonné de vouloir forcément du mal aux nations qui ont rejeté sa domination. Qu’en est-il donc des initiatives venant du Nord ?
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